Déphasés

Nomade par essence depuis plus de trente ans, le chorégraphe brésilien, adepte des hybridations culturelles, tente ici une inversion insensée du cycle naturel humain : la mort qui aspire à la vie. Inspiré par Tatsumi Hijikata, pionnier du buto, la « danse du corps obscur », née au Japon dans les années 1960, il construit un corps qui ne cherche pas à s’étendre vers l’extérieur mais vit avec intensité ce qui divise entre l’intérieur et l’extérieur. Pour expérimenter le corps mort qui danse, Hijikata s’est lui inspiré des cérémonies d’Héliogabale revues par Antonin Artaud ainsi que des écrivains maudits de la littérature française, comme Jean Genet ou le marquis de Sade. Ici, les dix danseurs exposent leurs corps morts et gravissent par des mouvements chaotiques le chemin douloureux qui peut les ramener à la vie. De ce paysage en noir et blanc ne ressort que très peu d’émotion ; la théorie et l’expérimentation prennent le pas sur le sensible et laissent à distance. Le symptôme demeure un concept et n’atteint pas. Reste heureusement une image fulgurante de beauté et de force suggestive : un corps à corps puissant entre deux hommes dont la nudité crue se joue de la volupté des étoffes et dont l’engagement sexuel assumé se confond avec la mélancolie.