(c) Christel Olislagers

On ne les compte plus, dans les festivals de spectacle vivant contemporain que nous couvrons avec I/O Gazette, les propositions post-dramatiques, conceptuello-branlette, minimalistes hardcore ou radicalo-branchées. La très grande majorité témoigne d’une sorte d’impasse créative, de resucée générationnelle d’idées déjà germées dans les années soixante ou soixante-dix, ou tout simplement d’une indigence de pensée qui en dit long sur le faible degré d’exigence de certaines programmations. Et puis il y a, sortis de la glaise, des diamants bruts dont les scintillements redonnent foi dans le théâtre. C’est le cas avec “Exhibition”, écrit par Emmanuel Schwartz et co-créé et performé avec ses camarades Benoît Gob et Francis La Haye. Le FTA leur a donné l’opportunité d’une première mondiale au Monument-National, où le public est accueilli par un verre de vin servi dans la file d’attente même : comme une invitation à altérer sa conscience. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une expérience quasi mystique. Cette “installation théâtrale dans laquelle les œuvres données à contempler sont les acteurs” (dixit Schwartz) ne se limite pas à une blague potache de trois potes sur l’art contemporain. La force du projet tient non seulement à sa construction scénique (dont la fragilité fait la force), à l’écriture adroite de cette voix-off omniprésente, neutre et féminine, mais surtout à sa dimension auto-fictionnelle. “Exhibition” évite ainsi de se transformer en culture hors-sol, en objet d’expérimentation vide d’émotion. Toujours empreint d’humour et de décalage permanent, le spectacle bascule séquence après séquence dans une sorte de “Jan-Fabrisation” dans laquelle l’expression de l’intime touche à l’universel métaphysique. Ce qu’on y donne à penser, finalement, via cette improbable “machine à révéler la pensée pure”, est au service de la représentation d’une trajectoire humaine à laquelle tout le monde peut s’identifier, dans ses errements et ses paradoxes. Un spectacle vital, à découvrir d’urgence.