Un duo plein de vie et de facéties

Happy Hour

© G.Bartuska

Danseurs et amis de longue date, Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella écument les plateaux de théâtre sans connaître la routine mais plutôt en y retrouvant la fraîcheur et la jovialité intarissables d’être ensemble. Dans « Happy Hour », créé en 2011 et donné pour la première fois à Paris, au théâtre de la Bastille, le duo se met en scène dans sa relation à l’autre. Il se livre avec une magnifique exubérance mêlée à une évidente simplicité qui favorise un rapport direct au public et l’exploration d’une vérité sans fard. En une heure de pur bonheur et une succession de numéros comme dans un music-hall abrégé, les showmans enfilent des perruques et des plumes, revisitent sous une pluie de pétales une danse primitive d’inspiration stravinskyenne, s’élancent en slip dans une course effrénée et même dans le public… Les corps se touchent, s’empoignent, se malaxent, se violentent, s’étreignent, s’exposent, vieillissants et aux antipodes des canons esthétiques publicitaires, ils affichent fièrement leur fringante cinquantaine et surpassent avec allégresse l’effort réel qu’impose une pièce aussi physique devenue leur cure de jouvence. Quand une poignée de spectateurs les rejoignent, ils laissent volontiers la place, boivent une bière et observent sans amertume mais avec une empathie amusée la jeunesse vive et bariolée qui s’empare avec ardeur de la scène. Gaie et mélancolique, la pièce évoque les souvenirs d’enfance et le temps qui a passé depuis sans épargner. Chaque geste et chaque expression témoigne d’un désir intact de danser et de la belle complicité qui les unit en prenant même parfois la forme d’une sensualité furtive et ambiguë. Il y a beaucoup d’humour, d’amour, dans leur spectacle si drôle et tendre, d’une beauté et d’une justesse admirables.