En fanfare

Stadium

Ne serait-il pas trop facile de réduire la création de Mohamed El Khatib à ce qu’elle semble être ? Cette performance définie sur le programme comme « documentaire » ne donne pas simplement lieu à des témoignages drôles et touchants des supporters lensois, mais à une déconstruction des codes du théâtre, à une violation joyeuse et bruyante de l’espace sacré du plateau. Le quatrième mur en éclats, le public aussi change de rôle. Étonnant et signifiant de voir les abonnés de la Colline et du Festival d’automne chanter à tue-tête Michel Sardou et Pierre Bachelet, ovationner la victoire de Lens et faire la chenille dans le hall du théâtre. Bien sûr, quelques grincheux s’offusquent et s’étouffent de dépit en regardant leurs voisins manger des frites et enchaîner les bières, mais cela aussi fait partie du processus : proposer une nouvelle forme de représentation, une nouvelle façon de raconter des histoires, une nouvelle adresse à ceux qui regardent. Parce que même si on peut admettre que le procédé ne s’adresse pas à tous, on ne peut dénier qu’il rend heureux les autres et leur offre une expérience à la fois accessible et intelligente de ce que peut générer parfois le théâtre contemporain. Au-delà de ce qui est montré, on retrouve en creux les obsessions du metteur en scène : les morts des êtres aimés et Corinne Dadat dans la baraque à frites. On flirte parfois avec le pathos et les clichés, mais finalement une force de vie souterraine est à l’œuvre et vous attrape pour ne plus vous lâcher.