© Sarah Oyserman

Sur fond de basses sourdes, une étrange créature sans tête s’éveille dans la pénombre. Vision d’horreur que ce corps désarticulé, sans sexe, squelettique, tentant misérablement de se mettre sur pieds. Elle gesticule sur le sol, lutte contre elle-même pour se couler dans un morceau de velours bronze et enfin prendre chair. C’est un mannequin animé, un humanoïde sans âme qui surgit devant nous, posant un pied devant l’autre dans un effort mécanique, la colonne vertébrale tordue par des pulsions violentes semblant émaner d’une force supérieure incontrôlable. Il y a de “L’Exorciste” dans cette imagerie à la fois terrifiante et fascinante. La danseuse et chorégraphe néerlandaise Sabine Molenaar impose et affirme son univers plastique unique habité de noirceur devant un public médusé, totalement aspiré par sa présence quasi mystique. Le visage impassible et le regard vide, elle laisse son corps transpirer une émotion pure et sensible, totalement maîtresse des possibilités que lui offre sa silhouette hors du commun. La création sonore d’Emilian Gatsov nous plonge dans un espace-temps hostile où se débat cette créature à la fois difforme et sublime, touchante et inquiétante, parfaite allégorie de la lutte à mort menée contre la féminité normative qui lui est imposée. Il me semble avoir arrêté de respirer.