Jouer avec l’authenticité

Doreen

© Charlotte Corman

C’est une atmosphère douce et chaleureuse qui accueille les spectateurs dans l’appartement du philosophe et journaliste André Gorz et sa femme, Doreen. Pourtant, l’on sait que dans 1 h 15, après cinquante-huit ans de vie commune, ils se suicideront ensemble pour que l’un ne « survive » pas à l’autre. Mais d’abord, on se sert un verre, on discute avec les acteurs… Rupture du quatrième mur, immersion du spectateur… Jusqu’ici rien de nouveau. Mais ce dispositif montre rapidement sa nécessité tant il sert le récit, avec finesse et subtilité. Comment mettre en scène une histoire vraie sans projeter nos propres fantasmes, sans surinterpréter ? Comment rejouer le réel avec « authenticité » ? C’est ce que parvient à faire cette création grâce à un jeu avec la réalité et la fiction, l’artifice et l’authentique, porté par la très belle interprétation de Laure Mathis et de David Geselson. Les morceaux de vie choisis, entre questionnements existentiels et anecdotes du quotidien, nous transportent dans l’histoire de ce couple. Durant cinquante-huit ans, André Gorz retombe sans cesse amoureux de sa femme, Doreen. Elle l’écoute, le conseille, le met face à ses contradictions, se moque, se rit de lui, l’aime profondément et un jour se découvre atteinte d’une maladie incurable… David Geselson, ici auteur, metteur en scène et acteur, s’est inspiré de la « Lettre à D. », une poignante confession écrite par André Gorz à sa femme, et de fragments de vie du couple, dont le spectateur est ce soir l’invité et le témoin. C’est au choix. On restera toujours sur un fil, laissant s’installer une fine tension, un trouble, une justesse et une très belle fragilité…