@ Elisabeth Carecchio

Joël Pommerat reprend sa relecture partout acclamée du “Petit Chaperon Rouge” aux Bouffes du Nord, dont la salle un peu décatie et hors du temps est un écrin parfait pour revivre nos souvenirs d’enfants.

Il était une fois un narrateur, un « raconteur » plutôt, qui nous plonge dans l’histoire en une délicate exposition, pendant que nous regardons les images vivantes du livre. Les pages se tournent, avec l’émerveillement des trouvailles sonores (ah les talons de la mère du petit chaperon rouge…), et avec des détails de modernisation qui permettront à tous les enfants d’aujourd’hui de s’identifier avec la petite fille (ah ces mères qui passent leur vie à travailler et n’ont pas le temps…), tout en restant dans l’intemporel du conte.

Imperceptiblement nous glissons dans l’histoire proprement dite et les personnages vont commencer à parler lorsque nous serons dans la forêt, où les jeux de lumières prennent le relais pour planter le décor, jusqu’à l’arrivée du loup drapé dans l’obscurité. Un loup fantastique à la gestuelle lupine si naturelle qu’elle réveille de délicieuses craintes ataviques, même lorsqu’on a grandi en ville au 20e siècle 150 ans après l’extinction de l’espèce en France (il paraît que le loup revient, mais admettez qu’il reste rare d’en croiser dans les rues parisiennes). C’est le pouvoir de l’évocation que Joël Pommerat et ses acteurs parviennent à créer avec une remarquable économie de moyens : 3 acteurs seulement, et toute l’alchimie de la lumière et du son.

L’histoire est connue, mais elle est de ces histoires que les enfants réclament 200 fois sans se lasser. Et si la pièce a été créée en 2006, le talent de l’auteur et cette capacité des contes à ne jamais lasser lui permettent de continue à tourner en affichant complet partout où elle passe : elle est courte, parfaite pour le jeune public, elle fait un peu peur mais pas trop, juste comme il faut, elle fait rire aussi, beaucoup. Et les adultes y trouveront plus que leur compte, parce qu’entre temps ils ont lu Bettelheim ou parce qu’ils préfèrent se pencher sur les enjeux de transmission entre les trois femmes que sont la grand mère, la mère et la petite fille. Ou beaucoup plus simplement pour ce petit frisson d’être ramenés des années en arrière, et qu’à nouveau on nous raconte une histoire.