L’humanité en réalité

© Mauricio Pokemon

De Teresina (Brésil) à Akita (Japon), la mort est souveraine, radieuse et envoûtante. Elle résonne depuis le buto, depuis l’intérieur de l’être. Dans le sillage de Kazuo et Yoshito Ohno et de Tatsumi Hijikata, elle pèse sur nous du poids de son mystère non résolu. La pièce « Dança Doente » (« Danse malade ») ne rallie pas tout le monde, elle inquiète. Pourtant, elle dénude la danse de Marcelo Evelin, singulière entre toutes, comme jamais aucune de ses pièces de danse présentées au Kunstenfestivaldesarts (« Matadouro », « De repente fica tudo preto de gente » et « Batucada ») ne l’avait fait auparavant. Il faut insister avec raison sur la complexité et la radicalité de son geste. Il y est un hymne à l’humanité. C’est dans les replis de l’espace sur les plis heurtés des corps que la danse de Marcelo Evelin naît, sacrée, violentée, à la fois effacement et retour. Elle est « englobante ». Aucun temps ni espace ne lui est assigné. Elle est dans tout ce qui sépare la grâce et la douleur, la lumière et la poussière, la nature et la technologie, la cruauté et l’amour. Elle est dans tout ce qui tend à s’ignorer (ou à rivaliser) dans nos sociétés postmodernes. C’est la grandeur de la danse d’Evelin. Sur le plateau, lorsque « Orphée » danse, il est saisi par une autre danse – elle le dialectise. Et la musique de Sho Takiguchi la guette. « Dança Doente », c’est la danse de terreur et de fascination – l’une des plus belles ! – par laquelle l’homme fait preuve de son humanité. Elle ravit et inquiète.