« Le communisme était quelque chose de grand, d’héroïque, de beau, quelque chose qui avait confiance et qui donnait confiance en l’homme. Il y avait en lui de l’innocence et, dans le monde sans merci qui lui a succédé, chacun confusément l’associe à son enfance et à ce qui fait pleurer quand vous reviennent des bouffées d’enfance. » Voilà les mots qu’Emmanuel Carrère prête à Poutine dans son « Limonov », dont l’exergue (citation réelle et fameuse du président russe) est le résumé : « Celui qui veut restaurer le communisme n’a pas de tête. Celui qui ne le regrette pas n’a pas de cœur. » Derrière la provoc, une ambiguïté fondamentale, que Mitrovic et Aleksic mettent en scène dans cette création de 2016. Comment extraire les fantasmes du grand bouillon nostalgique de l’enfance ? Quand on est yougoslave et qu’à cette question insoluble s’ajoute la complexité d’une quête identitaire contrariée par l’histoire, on comprend qu’on puisse patauger dans la semoule postcommuniste. L’angle d’attaque de ces deux amis d’enfance serbes : la fiction cinématographique, celle de la société de production Avala Film, et sa reconstitution approximative, ludique, humoristique. Fort d’une jolie intention, le duo échoue malheureusement à créer un véritable enjeu scénique. On reste un peu en dehors de leur histoire, à ces deux-là ; ils gesticulent, se font tirer dessus, lui s’enduit d’huile à frire, elle fait de l’aérobic, l’énergie est sympathique mais l’écriture inégale et la dramaturgie pâlotte. Tout cela manque un peu de recul (problème récurrent des automises en scène), mais surtout d’une touche de poésie qui aurait porté ce travail sur la mémoire dans une autre dimension.
Radio nostalgie
I Am Not Ashamed of My Communist Past