D.R.

Une longue table nappée de blanc attend ses convives et Clyde Chabot, vêtue d’un noir cérémonial, nous accueille dans un silence religieux, un timide sourire aux lèvres. Des photos de voyage, quelques bouteilles de vin sicilien et miches de pain sont consciencieusement disposées sur la table autour de laquelle nous prenons place, polis que nous sommes, le regard sagement tourné vers la maîtresse de maison. L’auteure nous conte son pélerinage aux racines de sa culture familiale ; elle se rappelle les noms des femmes, les noms des villes, tente de s’approprier la Sicile de ses ancêtres. Chaque visage croisé sous l’écrasant soleil insulaire la ramène aux traits de ses aïeux, à ses souvenirs de petite fille d’immigrés.

Clyde Chabot tente de provoquer la rencontre entre son histoire et la grande mais, fragile et manifestement très affectée par le récit, elle peine à dépasser la recherche personnelle d’une quelconque paix intérieure. On est tenté d’attribuer la diction chantante et la staticité de l’interprétation à une création un peu trop fraîche, mais ce projet qui se joue depuis 2011 devrait déjà avoir gagné en profondeur. Malheureusement Sicilia nous laisse à la surface des émotions, quelque peu embarrassés d’être pris à témoin d’une introspection certes touchante mais maladroite. On se détend un peu quand notre hôte nous invite enfin à faire couler le vin dans les verres mais à peine le temps de trinquer que le récit reprend son rythme, sage et monotone. Pourquoi donc cette disposition invitant à la proximité et à l’échange si le rapport de l’artiste au public est inchangé ? Nous resterons donc docilement assis, droits sur nos chaises, dans une atmosphère tristement guindée, frustrés de n’avoir été conviés à voyager avec elle.