Il est des spectacles qui galvanisent les foules et des artistes qui réconcilient les publics sans autre forme de procès. « We Love Arabs » et son chorégraphe, Hillel Kogan, sont de ceux-là. Avec un titre pareil, on se demande si l’artiste a été plus malin que son public, ou l’inverse. Lui reprocher sa com’ provocante et son esthétique pop ? Que nenni, tout a été pensé et bien plus élaboré qu’on ne pourrait le soupçonner à première vue. Cette stratégie offensive (à prendre avec distance) a le mérite d’avoir été efficace dans la jungle avignonnaise, triomphant des quelque mille quatre cents autres concurrents. Encensé dans le OFF d’Avignon, Hillel Kogan continue donc de prodiguer sur les scènes de France son « message de paix entre les communautés israélienne et arabe », comme il aime manifestement à l’appeler.
Pour un public bien-pensant et sensible à l’engagement politique des artistes, « We Love Arabs » porte l’avantage de prodiguer un message dégoulinant d’humanité tout en brandissant l’ironie comme arme autodestructrice. Fil conducteur et même « principe chorégraphique », cette autodérision permet aussi de bien rigoler. Car malgré le sous-titre donné au spectacle, « Je danse parce que je me méfie des mots », Hillel Kogan ne peut pas s’empêcher de bavarder avec son public. Encouragé par les éclats de rire, il enchaîne les caricatures du monde de la danse, de la société israélienne et de l’artiste narcissique ; il clame le pouvoir cathartique et réconciliateur du mouvement et explique dans une sorte de « manuel pour les Nuls » comment « démolir les clichés par le geste ». Pris au piège que nous sommes, nous ne pouvons alors que confirmer qu’il est très fort.