© Thomas Aurin

Au cœur d’une Europe sclérosée, qui ne sait plus quoi faire de ses migrants, la zone des « Trois Frontières » sur le lac de Constance habite un secret. Son point le plus profond est occupé par un container spécial au sein duquel huit fonctionnaires sont expressément mandés de trouver, au plus vite, une solution. C’est sur ce canevas politique que campe Christoph Marthaler pour ériger une poésie de l’absurde dont il a le secret. Pourtant, ses effets gaguesques, tirant inlassablement sur la même corde, brillent d’un charme quelque peu vieilli.

Au rythme d’un fil musical presque constant, les huit habitants des fonds aquatiques éprouvent rapidement la perte de toute forme d’autorité quant à la décision qu’il leur faut prendre. Le confinement du huis-clos, doublé par une menace bactériologique, devient le prétexte d’une épopée dans l’imaginaire Marthalérien qui confronte avec beaucoup de finesse le substrat culturel de l’Autriche, de la Suisse et de l’Allemagne. Maîtres de destins étrangers, leurs représentants se trouvent ironiquement cloitrés dans ce symbolique bunker sous-marin. Malgré la pertinence des références musicales et la force de la collision engendrée entre l’entre-soi bavarois, des éléments de culture « pop » et d’absurde, le rythme de la mise en scène oscille entre onirisme réussi et surplace ennuyant. La moitié des références, extrêmement contextuelles, échappe à une bonne partie du public, arrachant alors le spectateur à l’illusion théâtrale. À ce compte, difficile de prendre son pied quand on perçoit le geste sans en percer le code.