Naissance de l’amour

Qui suis-je ?

(c) Arnaud Bertereau-Agence Mona

Vincent est en troisième, n’est pas très populaire mais survit comme il peut à la méchanceté des adolescents et du prof de sport, entouré de ses deux meilleurs amis. Sauf que voilà, non content de devoir gérer le lycée qui s’annonce, Vincent va aussi devoir faire face à l’arrivée d’un nouvel élève dans sa classe. Et dans un collège où le mot « pédé » revêt le caractère d’insulte suprême, pas facile de s’avouer que, ce nouvel élève, Vincent en est tombé amoureux.

Adapté de son propre roman par Thomas Gornet, épaulé par le metteur en scène Yann Dacosta, « Qui suis-je ? » marche sur les traces élégantes de grands auteurs jeunesse qui ont eux aussi traité le thème de l’homosexualité. Il y a bien sûr du Marie-Aude Murail, mais aussi du Christophe Honoré et du Gudule dans le texte de Thomas Gornet, ce qui, a-t-on besoin de le préciser, est un grand compliment.

Sans jamais juger, « Qui suis-je ? » invite chacun à questionner ses propres stéréotypes, la façon dont il peut rejeter quiconque ne lui ressemble pas trait pour trait, à l’âge où le plus important c’est d’avoir l’air d’un gros dur qui fait tomber les filles. Yann Dacosta et Thomas Gornet ont choisi de traiter de ce sujet sensible avec beaucoup de délicatesse et d’humour, avec un Vincent délicieux de drôlerie incarné par Côme Thieulin. Sautant par-dessus tous les écueils de l’adulte jouant un adolescent comme par-dessus des flaques d’eau, il emporte l’adhésion d’un public qui ressort de la salle avec l’envie de l’appeler « bonhomme » en lui ébouriffant les cheveux. À la fin de la pièce, on a le sentiment de s’être fait un nouveau copain.

Cette belle équipe s’est adjoint les talents du dessinateur Hugues Barthe pour représenter l’univers dans lequel évoluent Vincent et ses camarades. Projetés en fond de scène, des portraits, mais surtout des décors avec lesquels les comédiens interagissent grâce à leur ombre, tantôt devant, tantôt derrière l’écran. Faisant la part belle à chacun, « Qui suis-je ? » apparaît comme un vrai spectacle de troupe, une œuvre polymorphe piochant autant dans la bande dessinée que dans le cinéma ou la musique pop.