Superstructure

Affordable Solution for Better Living

© Erwan Fichou

Qui veut être trop actuel s’engonce dans la naphtaline : le nec plus ultra ne couve-t-il pas souvent des infrastructures archaïques ? Ainsi en est-il d’« Affordable Solution for Better Living » de Théo Mercier : derrière le phénomène (Ikea et son macrocosme), le metteur en scène et plasticien anime les mécanismes orwelliens qu’on connaît — aussi peu périmés que sémillants. « Vous êtes bien », « il ne faut pas vous inquiéter », « vous êtes sous contrôle » : la veine était déjà formolée chez Richter ou Sonntag, elle ne pulsera pas plus chez Mercier… Une série populaire produite par Endemol (les mêmes que « Money Drop » et « Secret Story ») n’aura-t-elle pas fini de rendre trendy l’angoisse cybernétique ? L’étagère « Kallax » immaculée, que le performer Steven Michel monte sous sa peau de culturiste, est inévitablement une arme de l’ennemi : elle ne sera qu’un nid de poussières historique et philosophique. 

La réflexion autour de l’espace était pourtant brillante : entre espace intérieur et espace naturel, une même conformité se répand, et le même désir d’appropriation : « c’est mon espace », « c’est mon intérieur », s’acharne-t-on à répéter en vain — avant que la nature se rebelle à coups de stroboscope (effet qu’Éric Soyer arrive à rendre particulièrement profond) pour terrer l’homme dans un pauvre placard. N’était-ce pas le grand intérêt de la performance ? Mais l’ouvroir poétique est malheureusement sous-exploité : la proposition sonore et lumineuse était autrement plus opulente et post-moderne que la bavarde voix off… Théo Mercier a fait les mauvais choix, et l’on regrette qu’« Affordable Solution…» ait fait du vieux avec l’énergie du neuf : un décentrement de la dramaturgie l’aurait sorti avec brio de ses gonds rebattus.