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C’est au cœur d’un appartement du treizième arrondissement que se déroule « Mon Grand Amour », ancienne création de Caroline Giuela Nguyen reprise cet année dans le cadre de la programmation du Festival Paris l’Eté.

L’idée d’un théâtre en appartement avait tout pour stimuler notre curiosité, attirée par la promesse d’une expérience de fait plus immersive que celle offerte par une salle de spectacle. La forme du théâtre en appartement permet une proximité souvent intense avec les acteurs, déplaçant l’attitude spectatrice du confort de la passivité vers une mise en jeu plus directe et une certaine prise à partie. Trois instantanés de la vie des occupants dudit appartement (fictif) sont ainsi présentés in medias res, plongeant le spectateur au cœur de drames intimes tels qu’ils peuvent se dérouler entre quatre murs extraits du regard social. Drôle de position qui nous est alors offerte, du fait du naturalisme choisi pour la forme (que seule la musique quasi-omniprésente vient contrebalancer) ; sommes-nous des voyeurs, invités à se repaître de situations sommes toutes assez terribles sur lesquels nous n’avons pas de pouvoir d’action (notamment durant le premier récit qui nous met face à la folie progressive d’un gendarme mis à pied pour violences, sans que l’on ne sache rien du contexte, ni de ses raisons) ? Que faire lorsque rien, dans les tranches de vies que nous prenons de plein fouet, ne vient transcender la noirceur d’une forme de misère sociale et humaine ? On ressort de « Mon Grand Amour » avec l’idée que ce n’est pas là ce que l’on attend du théâtre – non pas en terme de qualité de jeu, qui est excellente – mais bien en termes d’effets, produisant une sorte « d’à quoi bon » : à quoi bon voir cela si la vie produit peu ou prou la même chose, mais toujours en plus riche, puisque c’est la vie. Nous aurions attendu de ces tranches de vie quelque chose venant pousser au-delà du naturalisme, pensant avec Nietzsche que précisément « nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité. » Ici donc, l’amour ne prend pas, à notre grand regret.