La mélopy du bonheur

L'Amour vainqueur

© Christophe Raynaud de Lage

Après les tréteaux pseudo-brechtiens de « Pur présent », Olivier Py prolonge sa passion des petites formes populaires par cette opérette jeune public qui, loin des grandes tours pleureuses de Maeterlinck, réentraîne « La Jeune Fille Maleine », des frères Grimm, dans une gaillardise grotesque qui a fait les belles heures de l’artiste mais qui, cette fois, est un peu trop léchée pour faire fondre la rampe. Dans ce joli castelet de lumières, qui reprend la route après « La Jeune Fille, le diable et le moulin », le quatuor de musicien.ne.s-chanteur.se.s maîtrise parfaitement la féerie philosophique de Py. Ayant le grand mérite de rendre tous les âges intelligents en estompant les ficelles actancielles de l’intrigue et en l’imprégnant d’adages emphatiques dont l’auteur a le secret (« On ne peut pas blesser la beauté du possible »…), « L’Amour vainqueur » fait de la fureur guerrière qui borde l’univers du conte une série de toiles peintes aplanissant les ruines de notre époque, comme si l’injonction à « désarmer les solitudes » lancée par l’édito d’Olivier Py passait désormais par la grimace réconfortante d’une guignolade au bon cœur. Contrairement à la jouissance coupable de l’invraisemblance que permet la distanciation, sel des belles expériences populaires, on a cette fois le sentiment de buter contre l’artifice lui-même, denrée crémeuse qui fige le comique et transforme ces tréteaux de foire en carillon criard. Exhibant dans « L’Amour vainqueur » les rouages de l’utopie théâtrale qu’il souhaite édifier à Avignon, Py oublie que, de Rabelais à Voltaire, les utopies littéraires n’existent que dans le crépuscule de leur envers, toujours bâties sur un idéal réversible et faussement partagé. Cet opéra-comique d’un autre temps, qui n’envisage aucune franche confrontation entre scène et salle, se donne trop d’aplomb pour emporter. De Py à Pinocchio, il pousse toujours quelques oreilles d’âne dans le plus grand cabaret du monde.