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Les « poètes des matériaux déconsidérés » Catherine Bordat et Pierre Meunier s’associent en mars à la Maison des Métallos au sein d’une « CoOP » (Coopérative Artistique) tout à fait foisonnante que la nouvelle directrice Stéphanie Aubin organise mensuellement avec une compagnie et ses artistes — ici la Belle Meunière. Une initiative tout à fait remarquable dans lequel le fameux spectacle « Au milieu du désordre » s’inscrit logiquement : on y verra Pierre Meunier jongler allègrement avec la matière par la verve de son verbe tout autant qu’avec ses expériences (para)scientifiques défiant l’imaginaire (concert de ressorts, ballets de pierres…). La dissertation est follement brillante — tellement qu’on la préférerait parfois un peu plus lumineuse, pour reprendre la formule de Breton, car les mots voltigent tant face au tas immobile (on aura compris qu’il ne l’est qu’en apparence) qu’ils abasourdissent l’oreille du spectateur pantois face à l’éclat de la théorie… N’aura-t-il pas lui-même traversé les états minéraux de la matière ? À la fois masse irrégulièrement amoncelée et pierre singulière sans cesse manipulée, expliquée, ficelée… Difficile de ne pas se perdre dans le tas. Il faut faire fi cependant de quelconque réserve : car il aura fallu dérouter et entasser aussi lentement que sûrement le mental du spectateur pour que l’émotion poétique d’ « Au milieu du désordre » habilement décantée par l’alchimiste Meunier émerge sans crier gare à travers le filet tendu des mots.