Show must go on

Dying on Stage

(c) Bea Borgers

« Moi je veux mourir sur scène / Devant les projecteurs… » Qui n’a déjà chanté ces paroles de Dalida en oubliant trop facilement leur charge dramatique ? Christodoulos Panayiotou, certainement pas. Dans le premier chapitre de sa conférence performée « Dying on Stage », ce dernier nous invite dans les méandres de sa fascination pour les stars mortes ou presque mortes sur scène.

Il ne s’agit pas tant ici de lister les cas de morts « en direct », ce qui s’apparenterait plutôt à un fantasme, que de s’interroger sur les pouvoirs de la scène lorsqu’il s’agit d’exorciser la mort. Panayiotou fait ainsi de l’art un moyen de sublimation et montre à travers les destins de star évoqués de quelle manière la mort et la scène s’intriquent : qu’il s’agisse d’un rempart contre la maladie (Grégory Lemarchal), d’un exutoire au mal-être (Amy Winehouse), du lieu rêvé pour mourir (Dalida)… À travers une série de vidéos projetées qui constituent la base de la performance, l’artiste nous fait voir le squelette sous les paillettes, l’ombre de la mort sur les plateaux télé ou sur les scènes d’opéra, comme passés aux rayons X. Mais cette mort peut également être métaphorique ; au-delà de la manière dont les artistes se sont rapportés à leur mort physique, le performeur nous amène à voir toutes les autres morts, par exemple la façon dont la scène emprisonne aussi une partie de soi, ou encore comment l’objectivation liée au star-system (curieuse histoire de l’enfant ayant joué dans « Mary Poppins », qui se suicide quelques années plus tard) entraîne vers le drame. Toujours, la question de l’apparence et de ses dessous souvent morbides revient de manière lancinante, voire grinçante, nous faisant osciller tout au long de la performance entre le glauque et le sublime.

L’intelligence de Panayiotou réside peut-être dans cette indétermination, ce frôlement continu de l’un et de l’autre qui jamais ne s’arrête vraiment. Sur ce fil, les limites entre la vie et la mort, l’art et le simple voyeurisme tremblent, avec une finesse certaine. On sortira troublé de ce « Dying on Stage », comme d’une expérience où l’on peut difficilement déterminer si celle-ci était agréable ou désagréable, gardant en tête des images où se côtoient la grâce des danseuses de « La Bayadère » mis en scène par Noureev et la sensation glacée de la mort qui rôde.