© Frédéric Lovino

Il est fructueux de suivre un chemin dramaturgique mêlé de deux œuvres tout à fait hétérogènes : d’un côté « La Méthode des phosphènes » d’Emmanuel Eggermont et de l’autre « In order to be them we must be us… » de Robyn Orlin, qui en beaucoup de points diffèrent : l’espace blanc sur lequel le duo de danseuses (Jihyé Jung et Wanjiru Kamuyu) divaguent et naviguent en couleurs pastel diffractant l’évolution chromatique du phosphène ouvre en effet sur la caméra en miroir du public chez Orlin dans lequel les mêmes danseuses sur-costumées s’adonnent frénétiquement à une série de « Allô » de plus en plus chorégraphiques… Une même curiosité pour le dispositif agite sans aucun doute les deux spectacles : plateau blanc vs noir ou costumes unis vs bariolés ; cependant la comparaison reste de peu d’intérêt. Car c’est dans la combinaison des deux travaux que l’opulence dramaturgique se niche — dans l’entre-deux des zones : les couleurs d’Eggermont auront l’avantage de concentrer le jeune public (tout comme certaines théories parascientifiques créditent les phosphènes d’une capacité à améliorer l’attention et la mémoire de celui qui se prête à l’exercice) tandis que les proférations dansées d’Orlin libèrent ladite concentration dans un exercice festif qui aura l’intelligence de se conclure par une invitation aux enfants à rejoindre les interprètes sur le plateau ; voici que le regard comblé peut à présent s’énamourer de récréation. Si Eggermont, par sa transposition de la lumière phosphénique (qui n’est autre qu’une exploration de la persistance rétinienne) dans le champ de la danse aura transporté le spectateur dans le régime vigoureux de l’abstraction — les interprètes déroulant autant de couleurs que leur chorégraphie n’en crée, Orlin prend le contrepied en re-concrétisant brutalement les enjeux scéniques : d’un conflit presque anecdotique émerge une complicité émancipatrice dans le duo culminant d’énergie au terme des deux petites formes de vingt minutes. Une expérience formatrice tout public, qui légitime la communication entre deux artistes dont la variété chorégraphique met en lumière une même sensibilité pour les états imprévisibles du spectateur : la disposition de « Twice » aura su le guider dans un parcours roboratif qui n’enlève rien à sa qualité réflexive.