© Hichem Daes

Un gars et une fille se promènent. Rien à faire du public : ils discutent sur le plateau et dans les couloirs devant et derrière (leur voix devenant un murmure), de sorte que la scène n’est qu’un maigre passage sur leur chemin. À moins qu’elle n’ait ceci de particulier : la scène (sur laquelle on monte) appelle la scène (sur laquelle on joue). Chacun des deux personnages, Tristan et Marceline — le premier en combinaison de plongée, baskets assorties et casquette rose, la seconde en cape royale ringarde — va chercher à faire son intéressant sur la scène. Entendre : il faut faire son intéressant sur scène (peut-être même créer une situation), sans quoi l’autre part. Si l’autre part, c’est la fin, c’est la mort assurée : pour faire son intéressant, l’un comme l’autre, bizarrement, ne parlent donc, en gros, que de la mort. Menaces de suicide (assaisonnées de descriptions médicamenteuses), assassinats de rongeurs, un petite gamme de convulsions et autres évanouissements : seule la mort, dirait-on, permet de faire vivre le plateau à coup sûr. Alors l’autre veut bien rester, et la discussion peut tranquillement reprendre sur scène et dans les couloirs ; jusqu’à ce que la parole s’ennuie d’elle-même, imposant au personnages de trouver une nouvelle cabriole mortifère. Le procédé est simple, mais percutant.

Il va sans dire que « Char d’assaut » est un spectacle comique : les deux comédiens (Stéphanie Goemaere et Aurélien Dubreuil-Lachaud) — élocution châtiée et démarches empêchées (l’un dans un costume trop serré et l’autre dans un costume trop large) — distraient autant le public qu’ils cherchent à se distraire eux-mêmes, le tout dans un univers qui se fiche bien de toute scénographie. À mesure qu’il ne se passe absolument rien, l’absurde 2.0 gagne en ampleur : rien ne sert de tendre l’oreille, car tout ce qui est dit pendant une heure n’a, au fond, aucune espèce d’importance. « Char d’assaut », spectacle délibérément couillon, qui ne prend, certes, pas trop de risques dramaturgiques, a l’intelligence de son genre : un doigt d’honneur, mais badigeonné de sucreries, gentiment administré entre deux bouffées de rire.