Conçu à l’origine pour le festival Mala Inventura de Prague, “Veduty” revisite sa forme avec cette recréation qui, en pleine période de confinement, interroge les frontières de l’intime et de l’étrangeté. “Veduty” se situe sur cette équilibre subtil entre performance participative et workshop, pour un seul spectateur à la fois, dans la lignée d’« As Far As My Fingertips Take Me », de Tania El Khoury, ou « Worktable », de Kate McIntosh. Dans une pièce quelconque, ici une salle vide de l’Invalidovna du quartier Karlin, on s’assoit face à un panneau ponctué de trouées en verre déformant, permettant de deviner – vaguement – ce qui se passe de l’autre côté. On commence alors par choisir l’un des cinq plateaux situés devant soi, et contenant une matière spécifique : herbe, métal, bois… Il y a un élément de surprise dans le dispositif et on ne dévoilera pas tout le procédé. Disons qu’il s’agit d’un moment d’échange non verbal, un dialogue visuel et sonore à base d’objets ou plutôt de fragments d’objets, de résidus mis à disposition devant soi et utilisés en fonction de ceux posés précédemment par son interlocuteur.
Le principe est simple – enfantin, mais pas infantile. C’est, au-delà de la performance éphémère créée par ces jeunes étudiants de la section marionnettique du Damu (principale école d’arts vivants de Prague), Vendula Bělochová et Honza Tomšů, une invitation à renouveler l’expérience : une sorte d’exercice de communication à mi-chemin entre cadavre exquis et poésie zen. Car il s’agit bien de retrouver ce sérieux avec lequel on jouait quand on était enfant, dont parle Nietzsche, à condition d’accepter de suspendre temporairement son incrédulité d’adulte blasé et réduit vers le performatif. Un projet lumineux et enthousiasmant qui se prête sans problèmes aux nouvelles conditions du spectacle vivant (un peu de gel hydroalcoolique avant et après, et le tour est joué), qui ont vu éclore de nouvelles formes minimalistes pour un seul spectateur.