Au Vieux-Colombier, les Comédiens Français jouent le roman d’Hector Malot adapté par Léna Bréban et Alexandre Zambeaux. On y suit les tribulations bien connues de Rémi entre les Cévennes, Paris et Londres, en compagnie de Vitalis, Capi, Joli-Coeur, Mattia et les autres dans une belle fresque théâtrale pour la jeunesse.
La Comédie Française est dans son rôle, elle engage tout son savoir-faire dans la mise en valeur d’un incontournable du patrimoine national littéraire, texte étendard de la cause des enfants. La scénographie modulable qui se déplie et se replie sous nos yeux comme un livre « pop-up », les acteurs qui évoluent sur une tournette pour illustrer le périple à pied des saltimbanques, un nuage de brouillard qui apparaît de nulle part et la neige qui tombe des cintres en suscitant des « oh ! » chez les petits spectateurs : tout est délicieusement magique à voir, et même ce qui se voit “malgré tout” à savoir les manipulations de marionnettes ou les changements de décors. C’est un savant mélange entre artisanat à vue et illusion. La grande maîtrise des comédiens participe également de cette démonstration de force. Ils alternent les registres et les codes de jeu : grande sincérité et simplicité dans les moments d’émotion (magnifique « adieux à la scène » de Vitalis) et jeu plus outrancier voire clownesque dans les moments comiques, ainsi que dans les passages plus inquiétants. C’est d’ailleurs un subterfuge assez habile de la part de Léna Bréban : quitter le réalisme et emprunter le chemin du grotesque quand la violence s’invite dans le récit (celle de Garofoli ou encore de la famille Driscoll). Ainsi ne ferme-t-on pas l’accès à ces problématiques difficiles aux jeunes spectateurs, ni en s’interdisant des les représenter, ni en les rendant repoussantes par un traitement trop brutal. Et le théâtre, de part le partage du sensible qu’il induit entre toutes les personnes présentes dans la salle, devient alors le meilleur endroit pour les appréhender.
On assiste donc ici à un très beau récit initiatique. Un hymne à la famille, pas celle dont on hérite mais bien celle qu’on bâtit à force d’expériences communes, de temps passé et de kilomètres avalés ensemble. La résolution finale vient confirmer par un tour de passe passe narratif ce que les péripéties nous enseignent tout le long de ce voyage : les enfants appartiennent à ceux qui s’en occupent.