L’écriture de Lucy Kirkwood, que nous avions déjà pu découvrir dans « Le Firmament », n’a rien perdu de sa vivacité et de son humour corrosif dans la pièce « Les Enfants » traduite par Louise Bartlett. Disons-le tout de go pourtant : nous n’avons pas été emballé par la mise en scène d’Éric Vigner.
Si les trois comédiens, incarnant des physiciens à la retraite confrontés à un terrible accident nucléaire, déroulent avec talent leur partition, on éprouve une gêne à les voir évoluer dans un tel décor. Éric Vigner qui a pour habitude, comme il le rappelle dans sa note d’intention, de se glisser dans les lieux qu’il investit et de s’y lover avec talent, échoue ici à penser le plateau comme un espace empli de potentialités. Les morceaux de décor sont recyclés d’un spectacle qu’il monta il y a quelque temps. La moquette d’une estrade, dont on ne comprend pas bien le rôle qu’elle joue, s’effrite tandis que pendent des panneaux aux couleurs psychédéliques mais délavées. La scénographie est ainsi ballotée entre un réalisme en lambeaux et une distanciation suggérée par les impressionnants murs de scène du théâtre que l’on entraperçoit. La réflexion d’Eric Vigner sur la question du recyclage et de l’économie que l’on met en place pour produire un théâtre nouveau n’aurait eu de sens, ici, que si elle avait été au service d’un propos dramaturgique. Or elle n’est pas compréhensible sans la note d’intention. Il aurait fallu trancher net : les murs nus de l’Atelier auraient pu apporter à eux seuls la tension nécessaire à ces retrouvailles dans un monde post-apocalyptique.
On ne saurait pourtant, malgré ces quelques réserves scénographiques, nier le fait que le travail de direction des comédiens fait honneur au texte de Lucy Kirkwood. Le surgissement de Robin (brillamment interprété par Frédéric Pierrot) fait basculer la pièce dans un huis clos inquiétant. La maison est un refuge où Robin, Hazel et Rose pourraient terminer paisiblement leurs jours. Mais les murs, les objets irradient les êtres et nous rappellent sans cesse que la catastrophe, dont les trois larrons portent en partie la responsabilité, est tapie à l’extérieur, qu’elle les attend et les appelle. Rose (Dominique Valadié) est une Cassandre moderne qui tente de réparer les malheurs qu’elle n’a pas su prédire. Lucy Kirkwood dépose avec délicatesse une bombe devant nos yeux ébahis : faisons en sorte que jamais elle n’explose.