You’re Safe Til 2024 (c) Sarah Walker

Un chevalet de conférence, un vidéoprojecteur, un Mac, une pile de sucre s’écoulant d’un entonnoir en guise de métaphore de la croissance démographique, David Finnigan déploie sa conférence-spectacle “You’re Safe Til 2024: Deep History” dans un décor léger. Fin 2019, l’auteur et metteur en scène australien choisit le charme discret de la campagne britannique pour entamer l’écriture de cette pièce.

Son intention est louable : il entend mettre le plateau au service d’une compréhension collective de la réalité de l’aire climatique que nous traversons. “Nous n’allons pas vers une catastrophe, nous sommes en plein dedans.” Avec un père militant climatique et sa propre implication dans les milieux scientifiques de l’University College London à la Nanyang Technological University de Singapore, nul besoin de creuser profondément pour trouver sa matière première. Et pourtant, alors que l’on s’attendait à un travail richement documenté, il a pris le parti d’inscrire son discours dans le pathos, faisant pencher – à lui en faire perdre l’ équilibre – la balance entre appui théorique et expérience personnelle, traditionnelle à ce genre de format.

Dans l’intention, sûrement, de rendre une réalité qui pourrait sembler un peu lointaine au londonien visiteur du Barbican, il nous offre un témoignage poignant, impliqué, des 75 h où il suivait par messages son meilleur ami Reuben, sa femme et ses enfants, piégés par les feux de forêts dans leur ville d’origine, Canberra en Australie. Images prises au smartphone, échanges où l’on se demande si l’on va vivre demain, voir partir en fumée la région qui l’a vu grandir sur une superficie de la taille de l’Angleterre, depuis laquelle il assiste à la catastrophe, impuissant.

Il est corps et larmes dans son sujet – comment ne pourrait-il pas l’être ? Il ne faut pas s’attendre à de la perspective ou du recul. Et de fait, à du style. D’autres artistes se sont pris d’intérêt pour le format conférence-spectacle ou conférence gesticulée avec plus ou moins de succès. Frédéric Ferrer, par exemple, transcende le genre et l’extirpe de sa fonction d’outil de communication, rempli tout en dépassant sa fonction d’éducation populaire. Il invente une écriture à la construction narrative complexe. Élégant, il ne donne jamais l’impression d’ aborder un sujet et laisse cependant avec le doux sentiment d’avoir assez tourné autour d’une vérité pour la voir apparaître. Ces petites formes s’élèvent quand les artistes mettent les spectateurs au travail plutôt que de leur servir une réponse tiède. On reste donc sur notre faim avec ce qui s’apparente ici plus à un émouvant Ted Talk qu’à une œuvre en soi.