© Emily Coenegrachts

Le dispositif de “Sur tes traces” est autant un outil radical qu’une allégorie assez vite déchiffrée.

Grâce à un casque proposant deux canaux sonores à emprunter librement, nous sommes amené·e·s à écouter alternativement les parcours de l’Iranien Gurshad Shaheman et du Québécois Dany Boudreault, qui eux se racontent simultanément. En cliquant sur le casque pour passer de l’un à l’autre, nous construisons un pont entre les récits autant que nous ouvrons entre eux un précipice provisoire, nous réparons et ravivons d’un même geste les exils. Cliquer est un acte de liaison et d’abandon, de retrouvaille et d’oubli. Et si la dynamique indéniable offerte par cette technologie s’épuise assez vite, c’est que nous avons la sensation d’être moins des monteur·se·s que des récepteur·rice·s finalement passif·ve·s d’une expérience et d’une dramaturgie moins dialectique et plus chapitrée qu’elle en a l’air. Alors, le passage d’une piste à l’autre se vit moins comme une transition vers l’altérité, comme un frottement annonciateur de complexité que comme un réflexe somme toute arbitraire, voire parfois comme un lâche zapping. Au bout du compte, au lieu de s’être creusés et densifiés l’un l’autre, les récits semblent plutôt s’être spectralisés et atomisés. Quant à l’image scénique, elle est partagée entre des actes illustratifs et des gestes suspendus, hiératiques, qui servent souvent de pure de toile de fond fonctionnelle à la parole. Percent parfois quelques fulgurances corporelles – comme lorsque Gurshad évoque la mère de Dany – qui font heureusement ressurgir le grand absent de cette expérience sonore et superficiellement performative : le théâtre.