Alexandra Tobelaim : passeuse d’histoires

(c) Orianne Lopes

La première saison d’Alexandra Tobelaim à la direction du Centre Dramatique National de Thionville est à son image : centrée sur l’humain. Bien avant le Covid-19, elle avait imaginé un projet artistique hors les murs, investissant l’espace public et multipliant les esthétiques.

Même en pleine crise, Alexandra Tobelaim est confiante. Pragmatique, elle a prévu des plans B et mise sur l’inventivité des artistes invités (Collectif Opéra Pagaï, Arthur Ribo…), repus pour beaucoup à l’improvisation, la mise en scène de situation, le désordre urbain. Pour sa première programmation au NEST, Alexandra Tobelaim s’est laissée guider par les sujets (guerre d’Algérie, écologie …) et les façons singulières dont les compagnies les abordent, sans se soucier des tendances. Pour simplement offrir une expérience théâtrale ouverte sur le monde. « Textes sans frontières » (focus Norvège) ou « Projet Africa 2020 » en complicité avec le Festival Passages à Metz, s’inscrivent dans ce désir d’établir des passerelles interstructurelles et donner à voir un théâtre de l’ailleurs, ici celui du Rwanda.

Mettre en évidence les écritures contemporaines et instaurer un rapport différent avec le spectateur constitue le point d’ancrage du projet d’Alexandra Tobelaim, poursuivant ainsi le travail engagé avec sa compagnie Tandaim : « J’aimerais que le spectateur vive à chaque venue une aventure unique. » Très attachée aux récits et à la transmission, elle reprend un moment fort initié par son prédécesseur Jean Boillot : la « Semaine EXTRA – Un festival pour et avec les ados ». Elle y rajoute quelques dates, un moment festif pour les jeunes apprentis programmateurs, et une coprogrammatrice, l’autrice-metteuse en scène Estelle Savasta. La nouvelle directrice du NEST s’est entourée d’une équipe artistique très féminine avec deux artistes associées, Julia Vidit et Charlotte Lagrange, et une comédienne permanente, Lucile Oza.

« Je mise sur le long terme dans la perspective d’un théâtre qui fasse corps avec la ville et s’intègre dans le quotidien des habitants de Thionville. Le hors les murs imposé par la construction du nouveau théâtre n’est pas une contrainte, plutôt une formidable opportunité d’inventer d’autres formes dans la lignée de mes projets en espace public. Aller chercher le spectateur et construire ensemble ce moment unique de la représentation.” Primordial questionnement contenu dans le titre du premier solo irrésistiblement drôle de Solal Bouloudnine, qui concerne l’angoisse des morts tragiques à la Michel Berger tout autant qu’il pourrait illustrer la présente inquiétude du retour ou non du public en salles. « Solal fait partie de mes fidélités. Avec “Abysses” que je crée en novembre ce sera notre huitième année de collaboration et la deuxième avec l’auteur Davide Enia (“Italie-Brésil 3 à 2”). Un texte très puissant qui parle de filiation et de migration. Avec le recul je me rends compte que j’ai construit des transversalités entre les spectacles et certains artistes jouent plusieurs fois dans la saison. L’occasion de rencontrer une compagnie, un artiste sous plusieurs facettes, de créer des familiarités artistes-public. »