« Ce que j’aime au théâtre, c’est aller chercher l’imaginaire de l’enfant »

Etat de siège

Etat de siège

(c) Clemence Cardot

À la sortie d’« État de siège », Charlotte Rondelez s’assoit avec nous en face du théâtre des 3 Soleils. On avertit : ce n’est pas de Camus qu’on veut parler. Ce soir, c’est la scénographie qui nous intéresse.

Pourquoi avoir utilisé des marionnettes dans le spectacle ?

« La scénographie est née de la contrainte propre au Théâtre de poche, où a été créé le spectacle. En théorie, “État de siège” implique trois heures de spectacle et 35 comédiens. Avec une scène de 4,5 mètres sur 2,2 mètres, nous avons dû chercher un moyen de recréer la complexité de la dramaturgie : scènes d’intérieur et d’extérieur, intimistes ou collectives… Dès le début du projet, j’ai voulu une sorte de fenêtre sur l’extérieur. C’est le modèle de la télévision et en particulier des “Guignols de l’info” qui s’est imposé. Il permet de créer une perspective et une distance burlesque, qui évitent de tomber dans un côté trop moralisateur. Et le procédé est parfait pour incarner ces “hommes à mi-hauteur” dont parle Camus. »

Comment s’est passée la fabrication ?

« L’un des comédiens, Paul Canel, est lui-même marionnettiste. Il m’a mise en relation avec l’extraordinaire Juliette Prillard, qui a fabriqué nos “kokoschkas”, nos quatre marionnettes, faites de tissu et de mousse tenus par un arceau. Ça a été deux mois de travail et beaucoup d’allers-retours pour qu’elles entrent dans l’esthétique souhaitée. Je voulais absolument des personnages en trois dimensions, qui soient résistants et facilement manipulables, car ils volent partout dans les coulisses ! Et il a fallu ajuster les talons des comédiens et les pattes des marionnettes pour que, face aux spectateurs, ils soient tous à la même hauteur. Comme toujours dans le théâtre, la contrainte a été une source de créativité et de liberté. On n’aurait sans doute jamais fait ce spectacle-là si on n’avait pas été obligés de le créer au Théâtre de poche…

Dans toutes mes mises en scène, le rapport à l’enfance est essentiel. Je vais chercher ce qui nous a fait rire petits, et qui peut encore nous faire rire adultes. Les marionnettes ou le faux chien en coton illustrent ça. Dans mon précédent spectacle, il y avait un champignon qui parle ! Ce que j’aime au théâtre, c’est aller chercher l’imaginaire de l’enfant, qui n’a aucune barrière. »

Céline Espérin, qui incarne l’assistante de la Peste dans la pièce, nous a rejoints. Elle s’est débarrassée de ses lunettes et de son grand imper de secrétaire psychorigide…

Alors, Céline, comment fait-on pour incarner la Mort ?

« Charlotte voulait que le personnage soit double. Elle m’a dit : “Pense à quelque chose de léger comme du champagne.” Et en même temps, le personnage souffre de sa solitude extrême, elle ne fait plus partie de la vie… Alors elle porte ces lunettes un peu bizarres, à la Harry Potter, qui traduisent cette étrangeté. J’ai voulu en faire une fille pétillante, à la limite du burlesque et de l’agaçant. Par moments, je me suis inspirée du grand robot de “Star Wars”, C6PO, c’est bien ça ? (rires) Mais en moins rigide, avec un peu de grâce et de joliesse ! La secrétaire est charmante, pourtant elle balance des horreurs d’une petite voix ! »

Et quand tu ne fais pas la secrétaire, c’est quoi, ta journée type à Avignon ?


« Le festival pour moi est à la fois une sorte de Vietnam du comédien et de Jour de la marmotte. Tu vois, dans ce merveilleux film “Un jour sans fin”, avec Bill Murray ? (rires) Je m’ingénie à faire que ma journée ne ressemble pas trait pour trait à la précédente… Alors j’essaie de voir des pièces. Ma dernière claque a été “Les Chatouilles”, d’Andrea Bescon. Mais Avignon est un exercice de frustration, c’est le tonneau des Danaïdes : plus tu en vois et plus tu veux en voir ! »