« Que la lumière danse avec les danseurs »

Barbarians

Lawrie McLennan sous ses projecteurs (c) Pénélope Patrix

Lawrie McLennan sous ses projecteurs (c) Pénélope Patrix

À la conférence de presse du festival, Hofesh Shechter, relax, parlait de spontanéité, d’intuition, d’arbitraire. Je me suis demandé comment son équipe technique se positionnait par rapport à cette esthétique déclarée impressionniste, pourtant si rigoureuse et structurée. J’ai rencontré le créateur lumière du spectacle, Lawrie McLennan, dans le foyer de la FabricA, entre deux représentations.

Habituellement, je suis le régisseur général de la compagnie, mais là je suis également le créateur lumière des trois pièces, en collaboration avec Hofesh Shechter. Dans la compagnie, tout le monde est cocréateur, on travaille ensemble, comme une troupe. Pendant la phase de travail en studio, on expérimente pendant des semaines, en associant tous les aspects du spectacle, pour que la danse, la lumière et le son s’imbriquent comme un tout. On voulait que la lumière danse avec les danseurs.

Pushing the audience from bright light to pitch black

Associer ces trois pièces était un vrai pari, il fallait trouver un principe d’unité. Le premier enjeu est de sculpter le corps en mouvement, révéler les saillances, éviter à tout prix un éclairage bidimensionnel qui aplatisse. Le second enjeu est de créer une atmosphère forte. Hofesh aime les plongées soudaines et brutales de la lumière crue au noir presque total.

Outshine the rules of lightning

Nous ne voulions pas rester enfermés dans les habitudes d’éclairage. Nous avons tenté de déjouer les contraintes techniques et les codes, de repousser les possibilités offertes par les machines. On ne cherche pas à faire joli mais à explorer les limites du regard. En termes de luminosité, on voulait sortir les spectateurs de leur zone de confort. D’un coup, pouf, extinction des feux.

Inconfort de l’œil et discernement

On est partis d’un principe biologique simple : le temps que met l’œil à s’habituer à l’obscurité et à la clarté lors d’un changement de lumière. Quand on baisse la lumière d’un coup, le public a d’abord une impression de noir total, mais très vite, en scrutant la scène, il discerne des formes, du mouvement, jusqu’à s’apercevoir qu’en fait il y voit suffisamment bien. C’est une question de timing. Tout est informatisé, et nous travaillons les effets à la seconde près. Pendant le spectacle, je m’assois dans la salle avec Hofesh muni d’un casque qui me permet d’être en contact permanent avec la régie plateau et la technique. Si quelque chose ne va pas, on donne des instructions en direct.

Great divide

C’est là qu’il y a un grand écart entre la danse et la technique. Hofesh laisse une place à la spontanéité et à la singularité dans la danse. Il y a même des instants où les danseurs improvisent au sein d’une chorégraphie. Le travail est concentré sur l’énergie, l’intentionnalité du geste, comme quand la danseuse tente de pénétrer le corps de son partenaire, de grimper à l’intérieur de lui. Tandis que la technique ne laisse aucune place à l’improvisation. Le son, la lumière, la température, l’ensemble des paramètres extérieurs sont hyper contrôlés et calculés.

Big Brother FabricA

On travaille, on dort et on mange ici, à la FabricA. On l’appelle la Big Brother House. Le matin, on déjeune tous ensemble dans la cour arrière (on est près de 25). Je suis le seul à m’exposer en plein soleil. Est-ce que ça a à voir avec mon métier ? Pas sûr, simplement j’adore m’exposer. Un goût du danger, peut-être, qu’on retrouve dans les douches explosives de lumière blanche sur la scène de « Barbarians »…