Magda Bizarro et Ângela Rocha, créatrices mille-pattes d’« Antoine et Cléopâtre »

António e Cleópatra

Magda Bizarro et Ângela Rocha en débriefing avec Tiago Rodrigues et son équipe (c) Pénélope Patrix

Magda Bizarro et Ângela Rocha en débriefing avec Tiago Rodrigues et son équipe (c) Pénélope Patrix

Quand je les retrouve au théâtre Benoît XII, Magda Bizarro et Ângela Rocha sont en plein débriefing avec Tiago Rodrigues. Il a du mal à les laisser partir. « Quand elles s’en vont, on ne peut plus rien faire », sourit-il.

Magda Bizarro est productrice, costumière et photographe de scène du spectacle. Ângela Rocha est scénographe et costumière. Elles sont également collaboratrices artistiques. « Nous sommes multitâches ! » me confirment-elles. À la fois magiciennes de l’étrange, anges et rocs de Tiago Rodrigues, elles portent bien leurs noms…

MAGDA respire : La situation économique au Portugal fait qu’il n’est pas si inhabituel de cumuler les fonctions dans le spectacle vivant. On se débrouille pour que les compagnies survivent. La nôtre, Mundo Perfeito, est une petite structure qui a débuté avec peu de moyens. Mais nous avons retourné la contrainte en avantage : il est bon que les éléments d’un spectacle soient en dialogue, et là, concrètement, les costumes, la lumière, la scénographie ont été pensés conjointement.

ÂNGELA respire : La scénographie de ce spectacle est symbolique. Nous voulions créer un « nulle part », un non-lieu, une atmosphère dans laquelle les gens puissent construire leur propre version d’« Antoine et Cléopâtre » en complétant eux-mêmes les signes.

MAGDA respire : Quand les acteurs disent « Égypte », chacun voit son Égypte ; quand ils disent « palais », chacun voit son palais. C’est au public que revient la responsabilité de compléter, c’est un partage.

Tiago Rodrigues, en conférence de presse, parlait justement de l’« irresponsabilité » de l’architecture de ce drame de Shakespeare qu’il avait faite sienne en proposant une reprise elle-même irresponsable. La responsabilité, ici, est donc assignée au spectateur…

ÂNGELA et MAGDA disent : Le décor suggère également le passage du temps et la constante quête d’équilibre. Le mobile évoque des planètes qui s’attirent et se repoussent, comme des forces contraires, dans un mouvement de spirale. Et puis, il y a l’amour d’Antoine et Cléopâtre, qui a l’ampleur et l’impact d’une comète. Enfin, le grand drap peint qui recouvre l’angle du mur souligne l’absence d’horizon. C’est donc un objet simple, mais à sens multiples. Chacun y verra ce qu’il souhaite y voir.

ÂNGELA et MAGDA disent : Pour les costumes, nous voulions atténuer les identifications de genre. Il joue elle, elle joue lui. Et on dit qu’Antoine revêtait les habits de Cléopâtre. De plus, ils n’inscrivent pas d’époque précise, ils sont neutres, permettant des va-et-vient du passé au présent. Dans la pièce, le présent n’existe que quand ils sont ensemble, le décor et les costumes sont une métaphore de cette idée magnifique. Ils sont dans un présent, un présent non identifié. Nous avons juste glissé quelques détails signifiants, comme le T-shirt et la coiffe brillants de Sofia Dias.

ÂNGELA et MAGDA sont dans un présent avignonnais : C’est notre premier Festival d’Avignon, et l’équipe qui nous accueille au théâtre Benoît XII est formidable. Nous essayons de voir autant de pièces que possible et repérons les tendances – beaucoup de terre sur scène cette année ! – et astuces scénographiques du moment. Mais nous sommes aux côtés de notre équipe tous les soirs. Le logement ? Elles rient. « Bon, ça, c’est la seule chose, n’en parlons pas ! »