Aziz Chouaki, régisseur du spectacle « El Maestro », interprété par Mouss Zouhery et mis en scène par Aziz Chouaki
Quels conseils le régisseur Aziz Chouaki donnerait-il au metteur en scène Aziz Chouaki ?
C’est une des rares fois où je fais la régie, cela change le rapport entre l’écriture et le plateau, la notion même de « spectacle ». Le terrain de proposition du régisseur du comédien est latent dans le texte. Il contribue à donner au public une impression de partage et d’invitation au voyage.
Avec ma régie, j’accompagne le spectacle sur deux niveaux : les mouvements et le texte. Ces deux axes déterminent la direction de la régie. Avec Mouss, on a déterminé les tops avant de commencer à jouer. Aujourd’hui, en condition de spectacle, ces tops servent de balises, de trame, de boussole. C’est une vraie dramaturgie, un nouvel éclairage. Jouer avec la régie fait se poser des questions sur la validité d’un texte.
Les personnages sont tous imaginaires et il faut les faire vivre virtuellement dans l’imaginaire du spectateur. La lumière permet de créer et de déterminer un rapport étal avec le public, sans l’agresser ni l’endormir.
Cela crée un rapport ludique puisque nous sommes les seuls (Mouss et moi) à savoir ce qui va se passer. On fabrique un moment magique entre le spectacle et le spectateur.
Est-ce qu’Aziz Chouaki l’écrivain et Aziz Chouaki le metteur en scène sont contents que le régisseur Aziz Chouaki soit algérien, lui aussi ?
Le personnage de la pièce est une sorte de don Quichotte qui reconstitue sa carte mentale qui est en mille morceaux. C’est un questionnement sur l’histoire et les tourments entre la France et l’Algérie, dont le « butin de guerre » le plus visible est la langue française. Or, si on renie totalement cette histoire du colonialisme, on risque de casser beaucoup de choses.
Mouss et moi avons vécu tout ça. On a vécu dans ces ambiances sensuelles de sel et de peau baignée de soleil, et le texte se rattache à notre sensorialité personnelle, à cette madeleine de Proust qu’il faut savoir aller chercher.
Pour moi, la pièce convoque davantage le sensoriel que l’intellectuel, pour moi une langue est faite pour parler et manger. La sensualité du texte m’envahit de fulgurances, il suggère au metteur en scène comment disposer, mettre en lumière et en musique.
Quels sont les rapports entre l’acteur Mouss Zouhery et le régisseur ?
Avec Mouss, nous sommes dans un rapport d’interséduction et de confiance progressivement tissé. Il s’identifie totalement à mon univers théâtral, et c’est lui qui m’a demandé de reprendre la mise en scène et la régie.
Ce qui m’intéresse, c’est de mettre en valeur la dimension sensorielle du texte et de favoriser l’esprit de partage avec le spectateur, par la fantaisie et le côté ludique qui rapproche, les êtres humains.
Bien sûr, parfois je me plante de top parce que je ne suis pas un pro de la régie, malgré tout le soin que j’y apporte, et l’indulgence de Mouss me touche beaucoup. Mais quand le top tombe juste pile, c’est le plus beau moment, c’est jouissif. Je tangue entre les moments où je veux rentrer sous terre et ces moments jubilatoires. Je m’aperçois que le métier de régisseur est important, ses suggestions peuvent totalement modifier le rapport sensoriel du spectateur à la pièce. C’est un métier un peu dévalorisé, dont beaucoup ne mesurent pas qu’il nécessite de la création pure et une précision au cordeau.