Stereoptik dans l’arène

Dark Circus

Le duo Stereoptik (c) Jean-Marc Besenval

Le duo Stereoptik (c) Jean-Marc Besenval

Quelques minutes après leur performance acrobatique dans « Dark Circus », Romain Bermond et Jean-Baptiste Maillet, encore essoufflés, me retrouvent dans l’arène. Ils me racontent la formation de leur duo, les phases d’immersion en sous-sol et le grand saut dans le IN d’Avignon.

Formations

Romain Bermond : On se connaît depuis quinze ans, on jouait ensemble dans une fanfare (« brass band »). On est tous deux musiciens et plasticiens. On a monté notre premier spectacle autour de l’image et de la musique, sans aucune expérience. On s’est enfermés pendant huit mois dans un local pour se frotter à la matière. On n’a pas beaucoup vu la lumière à cette période – et on ne la voit pas beaucoup depuis d’ailleurs ! Cela a donné notre premier spectacle, « Stereoptik », en 2009. Ça a bien marché, on a tourné en France et à l’étranger. Notre objectif était de faire un spectacle grand public, sans texte, qui puisse être compris de tous, avec des structures démontables pour pouvoir facilement voyager. Ensuite on a fait « Congés payés », à partir d’images d’archive, et « Les Costumes trop grands ». L’image et le son se mélangent de plus en plus dans nos créations.

Jean-Baptiste Maillet : J’ai rencontré Pef il y a dix ans dans un village de Normandie. Quand il a vu notre premier spectacle, l’envie de travailler ensemble a aussitôt germé. Pour « Dark Circus », il a écrit un synopsis et nous a donné entière liberté d’interprétation. C’était à nous de faire vivre des acrobaties périlleuses à des personnages, de leur donner vie.

Un spectacle sombre mais optimiste au fond ?

Jean-Baptiste : Tout le début du spectacle est sombre, c’est vrai, mais paradoxalement les chutes font rire. C’est le gag le plus vieux du monde, c’est cruel, mais ça fait encore rire.

Romain : Une entrée en scène ratée par exemple, c’est drôle.

Jean-Baptiste : C’est le côté tragique de cette histoire qui déclenche le rire. Ça renvoie aux anciens jeux du cirque, à la curiosité étrange qui nous pousse à vouloir voir des gens périr. Mais on finit sur une happy end qui réunit tous les personnages, et on assume ce dénouement joyeux. La fin, ce n’est pas juste un nez de clown ; c’est la couleur du chapiteau qui rayonne sur la ville en noir et blanc. Pour nous, ça parle de l’impact que peut avoir le spectacle vivant en suscitant de la joie et des questionnements, son pouvoir d’éclairer la vie sociale, de transformer l’environnement.

Réminiscences du cirque

Jean-Baptiste : Il m’est arrivé quelquefois de jouer avec des compagnies de cirque.

Romain et Jean-Baptiste : Mais on travaille surtout avec nos souvenirs d’enfance. Le cirque, c’est le spectacle familial par excellence, qui réunit toutes les générations. Sans nostalgie, car on vit encore avec. Chaque tableau est comme un numéro. On les travaille d’abord séparément, puis on les associe comme dans un montage. L’élaboration du tableau de l’aquarium par exemple nous a occupés deux mois entiers en sous-sol ! On fait tout ensemble, du début à la fin. C’est un jeu de ping-pong.

Jouer dans le IN d’Avignon, le grand saut ?

Romain et Jean-Baptiste : C’est au-delà de nos espérances. Notre présence ici est même improbable, la forme qu’on propose est très singulière. Olivier Py a eu le coup de foudre pour nos dessins en passant dans les coulisses de la Manufacture il y a deux ans, et tout s’est enchaîné. On craignait la réaction du public avignonnais, mais finalement tout se passe à merveille. L’équipe technique est super. De manière générale, on essaie d’alterner entre les scènes nationales et les petites salles, où le public n’est pas toujours facile à solliciter, les lieux de marionnettes, les chapiteaux, les petits festivals aussi.

Ici, on a vu « Richard III », on était au premier rang, et on a pris une grosse claque. On s’est pas parlé pendant un quart d’heure après, tellement c’était fort. On n’est pas des connaisseurs de théâtre, donc la découverte est de taille.