© Christophe Raynaud de Lage

La musicienne Karoline Rose est une « funambule ». Entre la France et l’Allemagne, entre la pop et le rock-métal, entre la scène de concert et la scène de théâtre, elle cultive un art qui s’affranchit des frontières. Portrait d’une artiste qui se faufile allègrement « entre les mailles ».

« Quelque chose entre Britney Spears et Cannibal Corpse » : voilà à quoi pourrait ressembler le gouffre Karoline Rose. Un monde de musique certes, qu’elle définit plutôt clairement. Car l’artiste, originaire de la Forêt-Noire en Allemagne, développe une « pop brutale », nichée quelque part entre The Dø et le métal. C’est d’ailleurs le producteur du duo indie pop, Dan Lévi, qui la révèle durant sa carrière solo (à savoir que Karoline Rose a fait quelque temps la première partie de Jeanne Added). Elle s’associe alors au batteur Vincent Kreyder pour former le groupe « SUN », avec lequel elle sortira un EP à la rentrée ; la tournée pour bientôt.

Mais Karoline Rose mélange les genres au-delà de la musique. Artiste protéiforme, elle compose et joue au théâtre pour la compagnie Arcosm et pour Guillaume Vincent, avant de rejoindre Roland Auzet dans « D’habitude, on supporte l’inévitable, Hedda Gabler » (création à Perpignan en février 2019) puis dans « Nous, l’Europe, banquet des peuples » (création à Avignon en juillet 2019). Elle aime à collaborer avec d’autres univers : les « LEJ » dans « Hedda Gabler » ou Mounir Margoum dans « Nous, l’Europe… », et bien sûr avec celui de Roland Auzet, qu’elle rencontre une première fois au sein du dispositif « TOTEM(s) ». Karoline Rose compose, chante et joue de la guitare aussi bien que des rôles : que ce soit Nina Hagen à la Chartreuse (avec laquelle elle partage de nettes accointances musicales), Thea dans « Hedda Gabler » ou encore en chœur européen dans le « Banquet des peuples » écrit par Laurent Gaudé.

Elle, qui a l’air d’effacer les frontières sur lesquelles elle marche, ne tarit pas d’enthousiasme sur le projet particulièrement euro-enthousiaste du duo Auzet-Gaudé. Bien sûr, il est une occasion en or de présenter son single « Higher Fire » dans la belle Cour du Lycée Saint-Joseph, puis en tournée toute la saison prochaine. Voilà qu’un morceau de la fameuse « pop brutale » envahit une salle du In d’Avignon : le public, incertain et ébloui par la prestation, applaudit chaleureusement en plein spectacle. Autant dire que Karoline Rose illumine sans problème un poème lyrique de trois heures, jusqu’à s’élever en choryphée. Là est sa liberté ; dans la « bascule » qu’elle provoque entre les arts. N’est-elle pas inhérente dans le paradoxe lexical « pop brutale » ? C’est « passer du chant clair à la voix criée » tout comme « passer du théâtre à la musique ». S’ouvrir donc, à tout prix : l’artiste franco-allemande décloisonne deux mondes qui s’entre-découvrent par-delà leurs scènes respectives. En se confrontant sans vergogne à d’autres publics, elle est l’expression même d’un devenir prometteur sur la scène de la musique et du théâtre, dressant, en compagnie d’autres, des chemins nouveaux pour les arts vivants.