Angélica Liddell : ¿Qué esperamos? (Qu’est-ce qu’on attend ?)

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“Espero reconocer a tiempo a los hijos de puta, antes de que me jodan la vida, que aunque es una mierda de vida, no es muy bonito que vengan y la jodan, y es horrible no darse cuanta antes. Ojalá fuera capaz de visualizar una mancha en sus frentes, esa mancha de la que hablaba Celine. Los hijos de puta deberían tener una marca de nacimiento. Pero siempre he sido muy torpe con los hijos de puta, los he reconocido tarde, me han dado por el culo cuando yo pensaba que sentían por mí algo de afecto. No aprendo y espero aprender. Soy una auténtica imbécil con las personas. Quisiera tener a mi alrededor una muralla de hielo.  También espero que mis padres mueran pronto. No soporto lavar el culo y el coño de la mujer que me maltrató y el padre que nunca me ayudó, no soporto limpiar la mierda de las personas que me convirtieron en una tarada, una paralítica para la vida. Lo malo de los deseos es que al formularlos se pone en marcha un endiablado mecanismo que hace que ocurra precisamente lo contrario. Tal vez mis padres duren cien años. Pero espero morir antes que ellos. Espero formar parte de un movimiento anti-natura: morir antes que tus progenitores. Thomas Bernhard proponía que al llegar a los 50 años, solo había dos opciones, follarte a una jovencita en la habitación de un hotel o suicidarte en la habitación de un hotel. Está claro que yo no tengo opción. Hacer una declaración pública de amor a los 50 años te garantiza una humillación tan gigantesca, tan descomunal, que se te mete por el culo como un estilete de acero que te destroza las entrañas para siempre. No me di cuenta de que mi cuerpo despertaba ya, a mis años, la misma repugnancia que los cadáveres en estado de descomposición, o la misma indiferencia que un escupitajo en una esquina, siempre he sido muy ingenua, muy estúpida. Todo es una cuestión de cuerpos, de piel, no importa nada más, la poesía, la belleza, el trabajo, nada de eso importa, todo eso no es la vida, la vida es la piel y nada más. Y espero destrozarme los riñones bebiendo café, mucho café, como mi paisana Carmen Amaya, gitana, y morirme insultando a todos los que no me han amado.”

Angélica Liddell

“J’espère reconnaître à temps les fils de pute avant qu’ils ne me fassent chier, même si c’est une vie de merde, ce n’est pas bien qu’ils viennent m’emmerder, et c’est horrible de s’en rendre compte trop tard. J’espère être capable de visualiser la tache sur leurs fronts, cette tache dont parlait Céline. Les fils de pute devraient avoir une marque de naissance. Mais j’ai toujours été assez maladroite avec les fils de pute, j’ai mis du temps à les reconnaître, ils se sont comportés comme des enculés alors que je pensais qu’ils ressentaient un peu d’affection pour moi. Je n’apprends pas et je n’espère pas apprendre. Je suis une vraie imbécile avec les gens. J’aurais aimé avoir autour de moi une muraille de glace. J’espère aussi que mes parents meurent bientôt. Je n’en peux plus de laver le cul et la chatte de la femme qui m’a maltraitée et le père qui ne m’a jamais aidée, je n’en peux plus de laver la merde de ces gens qui m’ont rendue tarée, handicapée à vie. Ce qui est terrible avec les désirs c’est qu’en les formulant on met en marche un mécanisme infernal qui produit exactement l’inverse. Peut-être que mes parents vont vivre cent ans. Mais j’espère mourir avant eux. J’espère faire partie d’un mouvement antinaturel : mourir avant tes géniteurs. Thomas Bernhard suggérait qu’une fois qu’on a 50 ans, il ne reste que deux options, baiser une petite jeune ou te suicider dans une chambre d’hôtel. C’est évident que je n’ai aucun choix. Faire une déclaration publique d’amour à 50 ans t’assure une humiliation si énorme, si colossale, comme si on te mettait un petit poignard en acier dans le cul qui te détruisait les entrailles pour toujours. Je ne me suis pas rendu compte que mon corps soulevait encore, à mon âge, le même dégoût que les cadavres en état de décomposition, ou la même indifférence qu’un crachat dans un coin, j’ai toujours été très naïve, très stupide. Tout est une question de corps, de peau, rien d’autre n’a d’importance, la poésie, la beauté, le travail, tout ça n’importe pas, tout ça n’est pas la vie, la vie c’est la peau et rien d’autre. Et j’espère me détruire les reins en buvant du café, beaucoup de café, comme ma compatriote Carmen Amaya, une gitane, et mourir en insultant tous ceux qui ne m’ont pas aimée.”

(Texte originellement publié dans I/O n°32 daté du 09/07/2016. Traduction : Mathias Daval. )