Au Manège de Reims, 1re édition de Born to Be a Live, temps fort de visibilité pour les jeunes créations chorégraphiques soutenues par le lieu. Voilà qui fait déjà extrêmement plaisir, ce à quoi on ajoute une équipe sur le pont et un fringant restaurant sous verrière qui se loge entre le théâtre et le manège.
Au programme des deux premières journées : « Dark Marilyn(s) », de Marinette Dozeville, et « Care », de Mélanie Perrier. Le premier explore le cliché de la femme fatale, de la Marilyn icône lucide. Il est périlleux de parvenir à dénoncer les clichés féminins sans les reproduire. Avec « Masculines », Héla Fattoumi et Éric Lamoureux avaient déjà échoué là où les « Modèles » de Pauline Bureau étaient pleins de fougue et de justesse. Dans « Dark Marilyn(s) », canapés fuchsia et néons roses, quatre micros pour quatre têtes blondes. Les femmes qui se révoltent font l’enfant, sont ivres ou hystériques, se mettent à quatre pattes et du rouge à lèvres… Or, ce qu’on attend d’une pièce sur les clichés de genre, ce sont des propositions nouvelles qui les balaient, un renouveau gestuel pour parler de la féminité. Ici, ces clichés sont mis en scène et exacerbés, mais rien n’est défait. On souligne cependant de belles scènes de ralenti, notamment la scène d’ouverture, réussie, dans laquelle on lit dans les yeux et le corps de l’interprète la complexité de la question, qui se mêle à la drôlerie.
En explorant un tout autre territoire, une figure nouvelle du féminin émerge pourtant du travail de Mélanie Perrier à travers sa dernière création, « Care ». Deux hommes, à côté de deux femmes en longues chemises blanches, se tiennent à terre. Ces deux duos, dans une atmosphère à la fois tranquille et pesante, vont lentement se lever, se découvrir, s’appréhender, pour aborder la figure de danse du porté, clé de voûte de toute la pièce. Mélanie Perrier et ses danseurs déploient avec beaucoup de finesse tout ce que la notion du porté peut recouvrir : étreindre, retenir, se rattraper, soutenir, peser, ployer. On suit sans s’arrêter leur cheminement dans l’appréhension et la connaissance du corps de l’autre. La musique de Méryll Ampe révèle elle aussi la notion de pesanteur, la répétition de l’effort pour soutenir l’autre, et participe pleinement à la construction de cette ambiance quasi fiévreuse. « Care » est d’une sensualité insoupçonnable et d’une tendresse infinie.