Festival international des arts de Bordeaux : le monde au centre

Il faut le dire : la 2e édition du Festival international des arts de Bordeaux (FAB) confirme à ceux qui en doutaient l’attractivité de la ville, la vitalité du tissu culturel provincial, et donc l’importance de l’événement. En l’espace de quelques mois, le FAB est effectivement parvenu à faire ce que peu d’autres manifestations culturelles françaises avaient fait jusqu’à présent : monter de toutes pièces une structure au service de la création régionale à rayonnement international. Évidemment, ce sont des mots et des formules déjà entendus, mais qui prennent ici la seule forme qui vaille : celle de la réalité. C’est ici par exemple, à Bordeaux et au cœur du mois d’octobre, que s’est jouée la première française de « La Despedida », du Mapa Teatro, alors que la foule se pressera devant l’entrée du théâtre de la Ville dans quelques jours pour la première de leur représentation parisienne. Pareil pour Arkadi Zaides, que beaucoup avaient pu découvrir au Festival d’Avignon il y a quelques années. Mais aussi pour Ahmed El Attar et Marlene Monteiro Freitas. Alors, snobs, les théâtreux français ? Pas tous, mais les Parisiens, certainement, car peu d’entre eux étaient présents dans les rues de Bordeaux ces derniers jours. Peut-être est-ce en partie dû à la thématique de cette année, celle des frontières, que tant d’autres manifestations ont envisagée ces derniers mois sans jamais parvenir à montrer de proposition satisfaisante. Reste qu’en l’occurrence certaines d’entre elles, parmi lesquelles « Haskell Junction », de Renaud Cojo, investissaient des pistes de réflexion rares et utiles, sur le fond comme sur la forme, et permettaient justement de démontrer l’éternelle utilité de ces questionnements identitaires pourtant si mal exploités sur les plateaux de théâtre. À la fin de cette pièce, d’ailleurs, une image résumait bien l’extrême nécessité de dire au monde ces questions et la possibilité qu’a le théâtre de faire son œuvre en la matière : alors que le mur de fond du plateau s’ouvrait sur le foyer du théâtre, et donc sur la rue, continuaient de se mouvoir sur le plateau les corps mourants des comédiens pendant que ces quelques mots s’affichaient en bord de scène : « Help us ». Une image facile, peut-être, mais qui ne cesse de démontrer à quel point savoir ne suffit pas. Maintenant que le mur s’est effondré et que la salle est ouverte à tous, la rue doit entrer dans le théâtre pour comprendre. À Bordeaux, à Paris, ailleurs, partout.