Malta Arts Festival, ou la défaite du temps présent

Sur les pointes rocheuses de l’île de Malte, il est une coutume qui de toutes constitue certainement le geste le plus signifiant de cette culture que ce festival tente maladroitement de représenter : y sont construites les églises consacrées à Marie-Madeleine. Face à elles, la mer figure alors les pleurs de celle qui jamais ne pourra rattraper son passé. Un passé fossilisé, à l’image des spectacles auxquels le spectateur peut assister le temps de la manifestation, qui faute de s’ancrer dans le présent n’est plus rien d’autre que cette charge que le croyant incapable porte sans savoir où la déposer. Des quelques tentatives proposées ne ressort effectivement rien d’autre que la lourdeur du temps historique dont les artistes maltais peinent manifestement à se défaire. À juste titre, pourrait-on dire, car, comme le résume de manière assez touchante Paul Capsis dans sa pièce « Angela’s Kitchen », l’histoire de Malte se compose d’un long entrelacs de tissus déchirés par les désirs de chacun de s’approprier l’île, ce dont il résulte une incapacité de tous à être en dehors du joug castrateur de l’autre. Reste que s’il est évidemment important de veiller à la transmission de l’histoire, cette dynamique s’est aujourd’hui construite au détriment de la démarche artistique, qui se résume bien souvent à présenter des œuvres témoignages avec à leur service une scénographie qui ne sert à rien d’autre qu’à imager les douleurs. De là à penser que Malte est une terre sans art, il y aurait un pas absurde. Dans chaque rue et à chaque endroit, cette île regorge des souvenirs du temps des dominations successives, mais aussi des tentatives de s’en détacher, comme en témoignent les bâtiments de Renzo Piano qui façonnent aujourd’hui La Valette. De cet entrelacs naît alors la sensation indéniable d’être au cœur des réalités les plus anciennes de l’histoire des civilisations. Une sensation qui fait de cet endroit à mi-chemin entre l’Afrique et l’Europe un des lieux les plus fascinants d’Occident, dont il serait bien que les artistes contemporains s’emparent avec un peu moins de déférence, et nettement plus de violence.