© Le Balcon

Le Balcon, collectif transdisciplinaire ouvert aux créations protéiformes et aux artistes aventureux, fête en grandes pompes sa première décennie d’existence. Le festival organisé en son honneur dans l’enceinte de l’Athénée donne un bel aperçu du caractère hétéroclite de ses projets, nourri par un instrumentarium singulier. Placées au cœur de son ADN, les techniques de sonorisations électroacoustiques permettent l’élaboration d’ingénieux équilibres et mélanges de textures, donnant ainsi naissance à un orchestre à géométrie variable, propice aux expérimentations de tous bords. Il faut dire que le collectif compte dans ses rangs le talentueux Florent Derex comme membre fondateur, également connu au sein du label B Records. Sous sa baguette (partagée, au sens propre comme figuré, par Maxime Pascal), le Balcon déploie d’intrigantes capacités et choix artistiques, depuis l’accompagnement musical de médium vidéo (« Dracula », « La Métamorphose ») jusqu’au genre de l’opéra (« Jakob Lenz »).

Cette effervescence créative formule un concert insolite, placé sous le mystérieux auspice de la célébration « mystique ». Trois œuvres y sont établies en regards : trois pièces fortes qui tissent un lien unique depuis le XIXe jusqu’à la période contemporaine. Richard Wagner et son poème symphonique « Siegfried-Idyll » côtoie « Bhakti » de Jonathan Harvey, œuvre clef du post-modernisme musical qui mérite à très juste titre d’être réécoutée. Enfin, une création originale constitue le cœur brûlant de ce voyage artistique et spirituel : « L’Agneau Mystique INNUBA » est en réalité un fragment de l’opéra déambulatoire « Revelo » qui s’achèvera en 2020 et dévoile l’association singulière du compositeur Marco Suárez-Cifuentes et le vidéaste Nieto.

Le résultat possède quelques aspérités évidentes qui, loin d’amoindrir son charme, tempèrent au contraire de manière bienvenue les airs très sérieux de l’ensemble. « INNUBA », en particulier, bouscule l’architecture générale du concert dans un geste gentiment provocateur. Il y a dans cette explosion d’illuminations successives une impression de déjà-vu ; un esprit sauce 70s qui modèle un voyage fragrance hippie mais en mode bon-chic-bon-genre. Bout-à-bout, ce voyage musical projette des espèces de fantomachies. Des métamorphoses d’un passé ré-imaginé brassent savoirs bibliques – parfois affadis –, mythes continentaux et spiritualités extra-européennes. En un mot, le spectacle modèle quelque chose de Frankensteinien, qui participe à l’attrait général autant qu’il corsète l’intention de départ. Mais l’expérience vaut très certainement le détour, tant en raison du choix des œuvres que de leur traitement acoustique minutieux et inventif. Il ne nous reste plus qu’à souhaiter au Balcon une nouvelle belle décennie créative.