Lara Kramer et Émilie Monnet : “This Time Will Be Different”

© Adrian Morillo Photography

Durant notre performance, un enfant déchire les pages du rapport issu de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Le geste, répétitif, fait écho à l’histoire répétitive de commissions et d’enquêtes mises en place par le gouvernement canadien au sujet des peuples autochtones. Le gouvernement s’engage, fait des promesses, mais ces mots ne sont suivis d’aucune action, ils sont comme de la poussière dans le vent.

L’idée de déchirer les pages du livre renvoie à cette répétition de mots, de publications pour satisfaire la bonne conscience gouvernementale, qui ne mène à aucune véritable réparation. On renvoie les pages déchirées à leur futilité : ce n’est que du papier, rien qui puisse transformer de façon concrète la vie des gens.

Notre travail consiste à rester sceptique et à remettre en question le langage et ce qu’il sous-tend, notamment celui qu’utilise le gouvernement. Une fois que la culture dominante a été mise en place, il ne sert à rien de la rejeter. Pour parvenir à un changement de paradigmes, la culture colonisatrice devra renier une grande partie d’elle-même. Éradiquer les cultures autochtones a été bénéfique pour le Canada et continue de l’être, et la situation ici est désastreuse. Il s’agit d’un système d’apartheid. La notion actuelle de réconciliation perpétue l’effacement des droits territoriaux des autochtones.

La performance offre un prisme pour mieux comprendre cette réalité et ses impacts sur plusieurs générations. Nous cherchons à ouvrir un dialogue. Comment parler de réconciliation si les conditions de vie des enfants autochtones ne cessent de se détériorer ?

La performance prend la forme d’une installation sonore immersive, mais elle se veut aussi un espace de communion, de partage collectif. Nous voulons mettre en scène une narration dans laquelle tous les collaborateurs sont impliqués. Ce n’est plus notre seule vision artistique, notre création, mais une position collective qui porte toute la communauté.

Nous ne sommes pas des nations figées. C’est une manière de partager la beauté de notre survie à travers le récit de nos histoires, qui incarnent le passé, le présent et le futur.