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L’avantage de la demi-molle (s’il y en a un), c’est que selon le point de vue, on peut considérer que c’est une demi-dure. Comme le verre d’eau. Mais puisqu’on était à La Fête du slip, on va essayer de rester dans le thème, sans être trop lourd.

Appréhension mitigée donc, du “festival des sexualités” – où le pluriel est un programme en soi, éventail infini de toutes les identités possibles (sexuelles mais pas que), où l’on est tellement uber-catégories qu’on a plus besoin d’enquiller la valse de préfixes/suffixes -queer/cis/fluid- pour s’auto-qualifier. D’ailleurs, comme dirait Spinoza, se définir, c’est se finir, alors assumons-nous comme des pôles élastiques tendus (comme un…) les uns vers les autres, et évacuons la question de l’identité avec la même simplicité légère que Daniel Cremer au début de sa performance touchée par la grâce “The miracle of love” : « Je suis belle, ou beau, bref, je suis belleau. » Voilà! D’inégales propositions sous de multiples formes (arts vivants, arts visuels, cinéma, concerts, tables rondes), allant de l’essai porno à la subjectivité assumée (réjouissante) au réquisitoire politico-didactique (laborieux).

A l’issue d’un binge-assisting légèrement perturbé par une organisation chouïa bordélique, il en ressort le constat suivant : la réussite des propositions les plus éloquentes tient au charme de leurs auteurs, à la force de leur présence délurée, au sentiment que c’est avec la matière même de leur explosive personnalité qu’est faite leur œuvre. Inégalité des apparitions donc. C’est envoûté par le charme de chaton/drag-queen de Daniel Cremer, qu’on a écouté celui-ci élucubrer, en une multitude de langues, sur l’amour, la gratitude, les riens qui font tout, pendant presque deux heures d’un stand up queer où sa drolatique finesse, son lyrisme pulvérisé par un second degré perpétuel, son goût pour le jeu et le déguisement, son attention à l’autre, nous ont bouleversé, au point d’accueillir sa volonté de nous montrer ses fesses comme un hommage à nous, public, unanimement séduit par cet enfant à la joie irradiante qui confesse, tout en s’enduisant à poil d’huile de lavande, comme s’il s’agissait d’une histoire avant de s’endormir : “et maintenant, j’ai envie d’un orgasme”.

Même entrain devant Camper, film du réalisateur italien Rosario Gallardo, où deux couples embarquent dans un Vann avec pour objectif de jouir au moins une fois par jour, invitant qui voudra à venir les rejoindre. Le résultat est une caméra embedded dans la caravane, où l’exiguïté du lieu semble s’élargir à la mesure des coïts, où les éclats de rire de la dévoreuse Maria, lorsqu’elle splash à la face de ses amants -sidérés et hilares – son jet éjaculatoire, sont tellement communicatifs qu’ils tiennent du manifeste, sans qu’aucun discours, aucune volonté de démontrer quoi que ce soit ne viennent l’alourdir.

A l’opposé, la didactique déclamation de l’artiste radicale GoldenDean, dont la performance en forme de réquisitoire politique ne propose finalement pas grand chose pour mettre en œuvre son programme (“Fuck the white people”), évoquant davantage un déferlement de haine de soi retourné contre le monde. Finalement, toutes les médiations – qu’elles soient politiques ou esthétiques – apparaissent moins comme des élaborations sur le sexe que comme des mises à distance du sujet, moins fécondes donc, que la présence brute et immédiate des artistes – des êtres -, véritable ou auto-fictionnelle. Ainsi le film suédois du réalisateur Lasse Långström (“Vem Ska Knulla Pappa ?”), rappelant l’esthétique poético-artisanale de  Michel Gondry croisée avec les fantaisies de Bertrand Mandico (on y voit des végétaux vibromasseurs et une lune qui se masturbe), est une délicate promenade en planète onirique sexuelle, mais un peu insignifiante.

Distrayants sans être renversants, des courts-métrages porno à foison, des lap-dances lusomorphes, des ateliers de câlins-combat étaient aussi au programme. On s’est posé la question : notre œil érotique est-il usé par des images proliférantes et impudiques qui ne cachent plus rien, comme la petite chouette dijonnaise qui, à force de caresses, à perdu son relief ? Peut-être. On vous laisse, on a atelier “Check ta chatte”.