Festival Trajectoires : Nantes en mouvements

Pour sa 3e édition, le festival Trajectoires, sous l’impulsion d’Ambra Senatore, directrice du CCN de Nantes, a déployé son éventail de propositions sur la ville et sa région – une vingtaine de spectacles au total.

L’ensemble forme un cocktail plutôt bien dosé de reprises (Johanny Bert et son « Petit Bain » magique, Pierre Rigal & Aurélien Bory et leur hommage au foot dans « Arrêts de jeu », ou encore « Brother », de Marco da Silva Ferreira) et de créations. Parmi ces dernières, au Théâtre, scène nationale de Saint-Nazaire, Yuval Pick présente son « Vocabulary of Need », incarnation puissante de ce sommet baroque qu’est la « Partita en mineur » de Bach (voir notre critique). Une même obsession pour Bach taraude Louis Barreau, qui présente « Cantate/1 » dans une salle d’exposition du musée d’Arts, faisant suite à son opus « Montagne dorée », la saison dernière, d’après les « Variations Goldberg » ; c’est à Marion David que le jeune chorégraphe nantais a confié le soin de danser en solo sur la Cantate BWV 61. Quelques salles plus loin, Jean-Baptiste André réinterprète le désormais classique « Comme crâne comme culte », de Christian Rizzo, que l’on avait déjà pu voir en 2005 dans les « Sujets à vif » du Festival d’Avignon : un solo brut, celui d’un corps massif vêtu d’une combinaison noire de motard, effectuant une ronde lente, toute en énergie contenue, avec un travail au sol d’une précision redoutable. Une pièce minimaliste qui compte parmi les plus belles de Rizzo.

Dans la grande salle du Lieu unique, Julie Nioche explore la matière noire de l’esprit : « Vague intérieur vague » tient du rituel d’émondage psychique, surplombé par une grosse tubulure molle pendue aux cintres d’où jaillit une fumée qui semble paradoxalement aussi toxique que roborative. Dommage que le spectacle, par moments, soit saturé d’effets visuels et sonores (mention tout de même au somptueux travail d’Yves Godin sur les lumières), que l’on aurait préféré voir contractés au profit des fulgurances poétiques de ses interprètes. Certains passages épurés, inspirés par les recherches ostéopathiques de Nioche sur le mouvement respiratoire primaire, sont d’une confondante beauté. Créé en 2018, « Posare il tempo », de Claudia Catarzi, présenté au CCN de Nantes, est une pièce pour deux danseuses et un batteur. Ce duo intense dans lequel l’autre est à la fois point d’appui et expression de la différence semble traverser, y compris scénographiquement, des espaces-temps contigus dans une white box légèrement distordue. L’altérité n’y est pas perçue comme une étrangeté inquiétante, mais plutôt comme une familiarité asymétrique, déclinée en une série d’entrelacements – qui finissent par être littéralement cousus ensemble pour constituer une créature quadrupède – appuyés par la matière sonore des percussions métalliques et du wood-block.

Si l’on ajoute à cet extrait de programme une série de rencontres professionnelles, la présentation d’étapes de travail (« Pater », de Bastien Capela) ou encore un bal pour se réchauffer pendant ces longues soirées d’hiver, Trajectoires a démontré qu’il a su s’affirmer, en quelques années, comme un événement artistique majeur dans la région, complétant avec succès le panorama festivalier déjà proposé par la Folle Journée et le Voyage à Nantes.