Pour sa 4e édition, le festival Les Singuliers au Centquatre a choisi le thème du portrait comme fil rouge de cette compilation d’installations, de concerts et de performances : portraits d’artistes, mais aussi représentation de vies anonymes et singulières comme témoins d’une époque. C’est le cas avec “Portraits de cette histoire” de Guillaume Bruère, projet de visibilisation, par une exposition de visages dessinés, de réfugiés rencontrés en Allemagne et en Autriche. C’est aussi le projet d’Olivier Martin-Salvan, dans son bouleversant spectacle “Jacqueline“,  que de prêter corps et voix à d’autres invisibles, en l’occurrence d’anciens patients de l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne.

Plus légère, l’installation d’Alice Lescanne et Sonia Derzypolski décortique avec humour la figure de Michel Houellebecq en offrant au visiteur, un casque sur les oreilles et un boîtier dans la main, un parcours dont vous êtes le muséographe-héros, destiné à préserver – ou non – la mémoire de l’écrivain. Avec “Dérives”, Denis Mariotte propose une courte et percutante performance de 2 minutes (impossible à décrire sans la spoiler), enchaînée avec “Hiatus”, proposition méta-théâtrale et philosophique sur la double présence-absence du spectateur et du performeur : une intention et un dispositif prometteurs, mais qui semblent s’arrêter un peu en chemin de la réflexion qu’il amorce. Dans “Les vagues, les amours, c’est pareil“, Marie Vialle interprète avec grâce “C’est de l’eau”, le magnifique discours que David Foster Wallace délivra à une remise de diplômes en 2005.

Dans “Le Baptême”, Laurent Bazin (dont on avait pu découvrir le travail au festival d’Avignon en 2018 avec “Les Falaises de V”) propose une nouvelle performance vidéo immersive avec casque de réalité virtuelle : appuyé sur un scénario de thriller-SF un peu convenu mais efficace, il parvient à créer, par un parti-pris esthétique fort, un travail de cadrage précis et un léger décalage dans la direction d’acteurs, à créer une ambiance onirique plutôt saisissante. Malheureusement, l’ensemble est alourdi par des voix off trop démonstratives et volontairement déphasées par rapport au jeu des comédiens ; et surtout par la superficialité de la VR qui n’ajoute pas grand-chose à l’expérience tant l’exploration visuelle et sonore à 360° y est infructeuse. Au final, c’est l’ultime séquence du bassin qui s’avère la plus intéressante, et c’est la seule qui ne soit pas virtuelle : bien que polluée par une voix off inutile, elle offre la représentation d’un rituel d’intensité magique dont la force visuelle et symbolique est saisissante.