© Pierre Planchenault

« Se faire la belle » de Leïla Ka est la troisième pièce d’un triptyque dont la première partie vit le jour, il y a quelque temps déjà, au Festival Trente Trente. Les personnages, incarnés par la danseuse, tentent de recouvrer leur liberté, d’échapper au carcan. Ce nouveau personnage ne déroge pas à la règle. Habillé d’une chemise de nuit immaculée, il est cette fois-ci plongé dans la nuit, lieu des fantasmes, des obsessions et du lâcher prise. Il devient l’incarnation de l’insolence que l’on aurait travestie d’un voile de douceur. Un arc électrique, pur et stroboscopique, dans la nuit noire.

Mais le corps, qui exulte dans ces ténèbres et éclabousse de sa blancheur nos yeux qui se sont patiemment habitués à l’obscurité, glisse très rapidement dans une forme de folie. Il lutte avec lui-même et retourne contre lui sa propre violence. Aux moments d’apaisement succèdent des phrases où le corps se disloque sans jamais parvenir à s’arracher du sol duquel les deux pieds paraissent puiser une force tellurique qui traverse les membres. Sous les coups de butoir d’une bande sonore qui frappe nos tympans, on ne parvient pas à quitter des yeux ce corps heurté, ces mains qui se replient frénétiquement sur cette camisole de coton.

Le talent de Leïla Ka réside dans la lisibilité d’un travail qui, sans jamais imposer une lecture univoque au spectateur, donne à voir, comme une évidence, les lignes de force d’une danse époustouflante, intelligible, offerte comme un concentré d’energeïa. Une puissance qui se réalise dans le mouvement.