Le Festival international de théâtre de Belgrade

tourist-organization-visit-belgrade-1427111043Le Bitef est l’un des plus anciens festivals européens et peut se targuer, dès ses débuts dans les années 1960, en pleine guerre froide, d’avoir été l’un des lieux d’ouverture et d’échanges entre professionnels du théâtre.

Il offre un subtil mélange entre productions locales et importations internationales, avec une approche, cette année, très politique et documentarisée. Ainsi « The Ridiculous Darkness », du Tchèque Dušan David Pařízek, une proposition percutante et décousue mettant en lumière les liens entre violence et postcolonialisme, dans un (parfois indigeste) mélange de références à « Au cœur des ténèbres », de Joseph Conrad, et à « Apocalypse Now ».

Un immense tas de détritus jonche le plateau, symbole d’une Afrique aussi dévastée que nos consciences. Avec « Compassion. L’Histoire de la mitraillette », Milo Rau explore la culpabilité des Occidentaux face au nettoyage ethnique de 1994 en Afrique centrale. Un théâtre documentaire et sur le fil du rasoir, porté par l’époustouflante actrice de la Schaubühne Ursina Lardi. Créé au TNB en 2015, le projet met le spectateur occidental face à ses contradictions : pourquoi s’attendrir devant la photo du cadavre du petit Aylan échoué sur une plage turque et rester indifférent au massacre de plusieurs millions d’Africains ? Cinq ou six millions de morts, n’est-ce pas l’équivalent quantitatif de la Shoah ? Comme chez l’Ivo Van Hove des « Damnés », le public est pris en otage, et Consolate Sipérius, jeune Burundaise survivante des massacres, le confirme en gros plan face caméra : « Vous êtes les nazis. » Très conscient de l’ambiguïté de sa démarche, Milo Rau joue sur un métathéâtre qui essaie, par une auto-ironie cruelle, de se dédouaner de ses propres limites : « le metteur en scène voulait mettre un handicapé sur le plateau. Mais ç’aurait été très has been. Maintenant, ce qui marche, ce sont les réfugiés ».

Plus léger, « Freedom: The Most Expensive Capitalist Word » est le travail des Serbes Maja Pelević et Olga Dimitrijević ; au fil d’une séance diapos ironique, elles présentent les absurdités de la dictature nord-coréenne. Une performance truffée de séquences un peu répétitives d’interactions avec le public, par la mise en vente (réelle) de souvenirs kitsch en provenance de Pyongyang.

Et si Dieu parlait par la bouche des ivrognes ? Hors Bitef mais dans le cadre du show case belgradois, le texte de « The Drunks » (« Les Enivrés ») par Viripaev sonne juste dans cette version de Boris Liješević, appuyée sur le leitmotiv « La mort n’existe pas, n’est-ce pas, belle Gülbahar ? », citation d’un film iranien dont personne ne se rappelle le titre. Malgré quelques longueurs, la pièce est un incisif concentré de métaphysique light avec quelques fulgurances de mise en scène.

C’est Rabih Mroué qui conclut le festival avec son « Riding on a Cloud », joli montage biographique vidéo et photo que l’on avait déjà pu voir au Festival d’automne il y a deux ans.

Bitef, Belgrade, du 24 septembre au 2 octobre 2016