Lettre à Dominique Valadié

L’autre soir je t’écoutais à la radio. Tu parlais de ton rôle. Tu disais : « Cette place-de-dos, c’est une place que je recherche. Un retrait dont j’ai besoin. C’est curieux pourquoi certains êtres ont besoin de ce retrait-là. La difficulté de se rendre à l’Autre. Cette place sur le plateau, elle est très peuplée. Je vois un pré puisque c’est un pré. Une prairie, même si elle est brûlée. Je vois de l’eau. Vois des ruisseaux. Je vois du temps. Du temps qui passe, avec de l’eau. Je ne vois pas une place-de-dos. Et quand je me retourne, il y a, ici, l’émerveillement d’être invitée à parler. »

Tu joues de dos. Tu es toi aussi prise dans le réel, dans le nouage entre l’imaginaire et le réel. Nous n’avons pas encore choisi de basculer. Je me souviens de ces années. Tu me formais comme comédien. Assis à table, ou bord plateau, étendu là à lire les textes. À déchiffrer. À défricher. Quand nous parlions de ces auteurs, comme de nos frères. « Je suis une mouette. Non. Ce n’est pas ça. » Ces phrases nous bouleversaient. « Quand. On. Y. Pense. C’est. À. S’en. Évanouir », dit Platonov. « Je suis une mouette. Non. Ce n’est pas ça », répond Nina. Mais nous ne basculions pas. Nous tenions ferme avec les phrases. Les phrases ne pouvaient pas nous écrouler. Nous n’avons pas choisi encore de basculer. Sur la terre ferme au bord plateau, avec nos phrases. Toujours contenus et structurés. Nous tenons ferme. D’une place-de-dos nous attendons. Il y a ici l’émerveillement de se parler.