L’instant tout de suite

Le nouveau feu sacré

D.R.

M. Fraize balance sur scène la meilleure blague du festival. Il ne relève qu’un seul point positif à sa venue parmi nous : sa salle n’est pas accessible aux handicapés, donc il n’y en a pas à son spectacle. Je la lui pique et la fais mienne parce que je l’ai payée, certes à tarif réduit avec ma carte du OFF, mais je vous la fais passer gratuitement, notez bien – vous me devez un éclat de rire. En plus, ce transfert marchand sauvage sert mon propos et ma gloire. Car cette présente chronique écrit tout haut ce que le festival OFF serait tout bas, une manifestation de gauche ultralibérale. Faut pas trop le répéter, ça pique un peu, et si cela remonte aux oreilles de notre Premier ministre, il va débarquer menton en avant pour célébrer les valeurs républicaines et sociales de la concurrence libre et parfaite. Gardez-le pour vous, chers festivaliers, mais vous êtes en train d’alimenter la géniale synthèse française de ce début de xxiesiècle, avec vous dans le rôle du consommateur de théâtres. Ce qu’il y a de gauche, c’est la diffusion d’idées progressistes qui se moquent des lignes conservatrices. Ce qu’il y a d’ultralibéral, c’est qu’à la fin ce sont toujours les plus riches et les plus innovants qui gagnent. Pardon, mais les nombreux parallèles avec le monde de la publicité, dont je suis malheureusement issu, me font mettre les pieds dans le plat. L’importance des sentiments populaires, des ficelles pour les exploiter, les mots, les images, les corps, le marketing, la rumeur, les stratégies de niche, le star-system, tout ça, est la partie visible de ce que cache la forêt. Théâtreux, pubards, nous sommes des esclaves de l’éphémère, cette nouvelle norme économique. On s’excite comme des malades sur des projets qui vont disparaître. Puis ne subsistent exceptionnellement que les bons textes et les slogans, et notre énergie est partie en fumée.