"Que demande le peuple ?"

Une ville du 93, pointée du doigt, rubrique « faits divers », au moins une fois par semaine, à la radio ou à la télévision. Dans cette ville, pas de lieu de création. Pas de théâtre. Pas de lieu d’exposition dédié. Et si d’aventure il y a un événement culturel dans un jardin aménagé à la sauvette pour l’occasion, les œuvres sont volées ou vandalisées.

Il y a un cinéma.

Cloc, cloc, cloc !

Quatre murs bien bâtis. Le cinéma porte le nom d’une année de prise de liberté en France. Des films américains, iraniens, égyptiens, maliens, français… Ils ont bien bâti, fait du bon travail. Peuvent aller boire leur champagne, leur pastis.

Mais qui va dans ce cinéma ?

Aucun de ceux qui habitent la ville, parqués.

Aucun de ceux à qui on a dit « Allez un peu plus loin ! Allez ! Plus loin, encore ! Allez ! Encore plus loin, au-delà du périphérique ! ».

La culture va à ceux qui connaissent déjà la culture.

Pas à ceux qui n’osent l’approcher. Pas à ceux à qui elle fait peur. Je ne dis pas « dérange », non. Non, la culture ne risque pas de les déranger, la culture n’est pas pour eux, c’est un monde intouchable, interdit. Trop brillant.

Et pourtant en haut lieu, ils ont bien bâti. Et bu leur pastis, leur champagne, la conscience tranquille.

Tout autour des quatre murs construits, un coq veille, terrible et hargneux. Gaffe aux mollets !

On s’ennuie ferme dans la cité. Pas d’ailleurs. Peu de rencontres possibles. Alors, c’est facile : ils viennent à trois, un Blanc, un Noir, un métis, que tout le monde soit représenté, en djellaba, et ils viennent enseigner… Ou embrigader ? Ou radicaliser ?

Et pendant ce temps, le coq garde la culture.

Le coq, un des emblèmes de la France…

Ploc, ploc, ploc.

Qui rit ?

Il pleut !

Peut-être que dans un des appartements de la cité des parents pleurent leur fille ou leur fils, parti en Syrie ou ailleurs, leur fils ou leur fille en prison pour quelque temps ?

Il pleut ?

Le coq déteste la pluie.

Ploc, ploc, ploc.

Et si on en profitait pour tordre le cou au coq ?

Si on en profitait pour ouvrir le théâtre, la danse, le cinéma à ceux qui se disent que ce n’est pas pour eux ?