« Collaboratif », ça marche ?

Deux aventures éditoriales collaboratives se sont mariées le temps du festival : la gazette I/O et VentsContraires.net, revue en ligne du Rond-Point.

logo VentscontrairesVous feuilletez un exemplaire d’I/O, la gazette éphémère des festivals. Un journal papier né d’une énergie collaborative circulant sur le Net, une tribune à laquelle vous pourriez envoyer vos propres articles comme je le fais en ce moment.

Arrêtons-nous sur ce mot, « collaboratif », qui décrit une manière de produire ensemble, une alternative au tout concurrentiel dont nous savons bien qu’il nous conduit à l’abîme – mais alors que devient la presse si les journaux sont écrits par des bénévoles ?

C’est là que je voudrais vous parler d’une expérience web que nous menons depuis cinq ans avec le théâtre du Rond-Point. Vous en avez un aperçu quotidien au bas de la page que vous êtes en train de lire : si, si ! Juste en bas [voir I/O papier, Ndlr], la rubrique « Le dessin », vous y êtes ?

Tout a commencé le jour où Jean-Michel Ribes a dit : « Faisons voler le Rond-Point sur le Net ! » Le problème avec lui, c’est qu’il a sans arrêt de nouvelles idées. J’ai d’abord griffonné les plans d’une catapulte géante. La moue perplexe de la direction technique m’a fait vite renoncer à ce projet aérien. Plus sérieusement, la lumière a été « collaborative » : et si nous proposions à des artistes qu’on ne voit pas sur nos trois scènes de nous rejoindre… dans une quatrième salle virtuelle ? Des talents d’ici et d’ailleurs. Des singuliers qui s’expriment par les mots, les images, les sons. Qui bougent le monde avec esprit et humour. On publierait chaque jour les plus inventifs. Le Rond-Point s’étant mobilisé contre l’esprit de chapelle, pour le débat et le rire résistant, tentons la même chose sur le Web. Ainsi est née la revue VentsContraires.net, premier média en ligne lancé par un lieu de spectacle. Avec bientôt 500 chroniqueurs, plus de 6 000 billets édités (dont 1 000 vidéos), 2 millions et demi de visites, cette petite république libertaire repousse tous les jours les murs du théâtre. Il faut vite engager un responsable éditorial. Vincent Lecoq, chroniqueur des premiers instants, rejoint l’équipe du Rond-Point et lui ouvre en grand les portes du Web.

La surprise a été de voir converger autant d’écrivains que de dessinateurs (parmi lesquels des maestros du crayon tels Winshluss, Pénélope Bagieu, Stéphane Trapier ou Ted Benoît).

Si le théâtre doit être dégusté vivant, il vaut la peine de mettre en boîte et de partager les confidences sur leur écriture de Rodrigo García, Yasmina Reza, Alessandro Baricco, Marius von Mayenburg, Nancy Huston, Philippe Minyana ou François Morel. On y trouve en podcast et vidéo les très suivies conférences des économistes Frédéric Lordon et Paul Jorion, le plaidoyer pour un Web libre de La Quadrature du Net, l’appel du philosophe Bernard Stiegler en faveur d’une économie contributive. D’abord chroniqueurs, Clémentine Mélois ou Pacôme Thiellement sont passés en live sur la scène de la salle Topor.

Deux moments forts : le siège du spectacle « Golgota Picnic » par les intégristes chrétiens suivi et analysé in situ ; la gueulante de Charb, qui en a marre qu’on exhorte les « musulmans modérés » à se distancier des radicaux.

Chaque mois nous bâtissons avec une centaine de chroniqueurs et d’invités un dossier répondant à une question de société (en juillet : « Où sont les femmes ? »). Inutile de vous dire que vous y êtes bienvenu. N’y cherchez pas une case où inscrire vos commentaires – il n’y a qu’une façon de s’exprimer sur VentsContraires.net : prendre le risque de monter sur scène en envoyant une contribution. Je vous ai dit que c’est collaboratif.