J’ai mis en scène il y a quelques années une pièce de Marguerite Duras d’après un roman de Henry James, « La Bête dans la jungle », qui raconte l’histoire d’un homme qui attend un destin extraordinaire. Il ne sait pas si ce destin le révélera ou le détruira, mais il attend, il attend, il attend… et attendant, il passe à côté de la vie, de l’amour. Je me souviens aussi de ce poème d’Antonio Machado :
« Toi qui marches, il n’existe pas de chemin
Tout passe et tout reste,
mais le propre de l’homme est de passer,
passer en faisant des chemins,
des chemins sur la mer. […]
Toi qui marches, ce sont tes traces
qui font le chemin, rien d’autre.
Toi qui marches, il n’existe pas de chemin,
le chemin se fait en marchant.
En marchant on fait le chemin
et lorsqu’on se retourne
on voit le sentier que jamais
on n’empruntera à nouveau.
Toi qui marches, il n’existe pas de chemin
si ce n’est le sillage dans la mer… »
Et puis parfois, quand on n’arrive plus à mettre un pied devant l’autre, quand tout est noir et que le chemin se met à ressembler à un tunnel sans fin, alors on peut chanter avec Brassens : « Lors, j’ai vu qu’il restait encor / Du monde et du beau mond’ sur terre, / Et j’ai pleuré, le cul par terre, / Toutes les larmes de mon corps. »
Et repartir sans attendre.