Un coup dans le cœur

Braises

© francesca torracchi

© francesca torracchi

« Braises » se joue à la Patinoire, lieu annexe de la Manufacture. Le feu et la glace. J’aime à croire que c’est d’ironies comme celle-ci que naissent les plus grands moments. Et « Braises » ne fait pas exception.

Nous sommes plongés au cœur d’une famille maghrébine, dans une cité française. Deux sœurs, une mère. Toutes trois enchaînées à des traditions dans un pays qui prône la liberté jusqu’à l’inculquer à l’école. Mais à l’âge des premiers émois, le désir des deux lycéennes les brûle de l’intérieur. Leila, la plus jeune, l’étouffe, pendant que sa sœur Neïma va ouvrir son cœur et plonger la famille dans le drame…

À quoi ça sert d’apprendre la contraception quand on ne vit pas dans le même monde que ses camarades de classe ? « Braises » interroge sur le clash des cultures et l’oppression invisible des femmes. Le texte poignant de Catherine Verlaguet est magnifiquement porté à la scène par Philippe Boronad. Derrière les trois femmes, un mur immense rappelant une tapisserie d’appartement. Un mur oriental, imposant. Sur la scène sombre, un miroir, un canapé mais surtout trois comédiennes bouleversantes. Aïni Iften est une mère fantôme, qui ressasse sa vie et observe de façon inanimée ce qui l’entoure. Dans ses yeux, le choc. Le choc de ne pas avoir su protéger ses filles. Le choc de l’incompréhension. Manon Allouch (Neïma) est troublante en jeune fille en mal d’émancipation. Son apparition nous interpelle et nous fait craindre le pire. Mais la révélation de cette pièce coup de poing, c’est Leïla Anis. Elle a un jeu physique. Une injustice dans tout son corps, de ses poings serrés à sa mâchoire, prison d’un secret qui s’embrase. Dans sa robe légère de mariée, elle nous paralyse.

« Braises » est un cri de femmes. Un chant douloureux. Un coup dans le cœur qu’il ne faut pas manquer. Le travail est minutieux, beau et saisissant.