© Guy Kokken

Rendez-vous phare de la vie culturelle rennaise, feu le festival Mettre En Scène a été sobrement rebaptisé Festival TNB sous l’impulsion du nouveau directeur Arthur Nauzyciel, débarqué du CDN d’Orléans : l’occasion pour lui de présenter une (pas si) nouvelle sélection d’artistes cru 2017.

Dure tâche que de prendre la relève des 22 ans de direction de François Le Pillouër au TNB, tant celui-ci aura décidé les conditions de l’art théâtral rennais. « Décloisonner » : voilà les mots d’Arthur Nauzyciel quand il propose seize artistes associés pour la saison 17-18 en mêlant théâtre, danse, musique, arts visuels et performance – on compte même un universitaire (Patrick Boucheron), c’est dire. Et le metteur en scène-directeur d’imaginer son festival comme une caisse de résonance : pour la saison, pour le futur. Il présente les artistes qui feront le Rennes de demain, et il en profite pour se présenter avec Julius Caesar, L’Empire des lumières, Jan Karski (mon nom est une fiction) – le second étant au festival.

Autrement dit, il programme les artistes qu’il souhaite soutenir pour les prochains temps : festival vitrine. Que partagent-t-ils ? Beaucoup sont étrangement méconnus du public rennais : Macaigne, Gisèle Vienne, El Khatib, Phia Ménard… Voilà une faute réparée. On retrouve aussi des habitués (Charmatz) et des artistes un peu moins connus (Das Plateau, Vincent Glowinski, Julie Duclos). Cette dernière catégorie manque trop cruellement à l’appel : la caisse de résonance vaut-elle plus pour la direction artistique ou pour les artistes eux-mêmes ? Le Pillouër avait à bon escient habitué son public à découvrir plus de formes à la marge. Dommage également que l’on compte si peu de créations : Kindertotenlieder, Good Boy, Nos Serments, To come (extended)… Autant de reprises, dont certaines exprès pour le festival ; une démarche que l’on s’explique mal. De fait beaucoup de spectacles ont été critiqués par nos soins auparavant : Rêve et Folie, Je suis un pays, To come (extended), Nos Serments

Mais il serait de mauvaise foi de ne pas reconnaître la qualité artistique du festival : exigence de programmation, variété des lieux culturels (le TNB, L’Aire Libre, le Vieux Saint-Étienne, le Musée de la danse, le Triangle…) et des arts impliqués. Notons par exemple les événements cinéma avec une carte blanche à Macaigne, un cycle de cinéma coréen en regard du spectacle L’Empire des lumières ainsi qu’une rétrospective Cavalier comprenant une conversation avec Mohamed El Khatib. Belles initiatives pour ce théâtre-cinéma. L’atmosphère festival est bien là, avec un certain « sens de la fête » qu’on retrouvera au théâtre dans Stadium et dans l’éblouissant Je suis un pays de Vincent Macaigne.

Notons enfin des surprises. Parfois belles, avec par exemple L’Empire des lumières de Nauzyciel (même s’il est moins radical que son voisin Julius Caesar) : le hiératisme chorégraphique cher au metteur en scène transpire dans cette adaptation du roman de Kim Young-Ha créé à Séoul en 2016, avec un travail dramaturgique sur l’écran – colporteur de l’imaginaire de la scène – remarquable d’intelligence. Parfois mauvaises, avec le déterré Kindertotenlieder de Gisèle Vienne – un spectacle de 2007 recréé au Triangle. Mieux aurait-il fallu ne pas ressortir des placards cette bouillie intello méprisante pour un public qui lui a réservé un accueil encore plus glacial que la neige recouvrant le plateau. Restons plutôt sur le très beau Skia lumière noire de l’artiste Vincent Glowinski – ou Bonom pour ceux qui le préfèrent sous son pseudonyme de street-artist, en partenariat avec Les Tombées de la Nuit. Dans le magnifique Théâtre du Vieux Saint-Étienne, une performance baconienne entre light-painting et vidéo qui ne manquera pas d’éblouir son public aux ultraviolets.